mercredi 1 avril 2009

Mathématiques Faire classe # 27

Jadis matière reine, les maths ont connu bien des bosses mais aujourd’hui, peu de problèmes se posaient jusque là, avant que des évaluations prématurées en CM2 viennent alerter sur le sujet. Diagnostic d'un inspecteur général: "on fait trop de français". Si, si: il va falloir évaluer les inspecteurs généraux!
La mathématique moderne provoqua des expériences aventureuses mais brèves.
Des séquelles d’incompétences notoires subsistent dans la vie courante pour ceux qui furent exclusivement nourris aux inclusions et patates, pour lesquels la représentation de 33 cl de bière reste une énigme. La leçon de cette catastrophe, engendrée quand les chercheurs prennent seuls le pouvoir, est-elle intégrée ? J’ai pourtant gardé de ce temps une approche d’autres bases de numération que la décimale pour mieux comprendre, prendre du recul par rapport à 99+1= un, zéro, zéro? Dire qu’il fallait quinze séances à ce sujet dans les années 70 ; au XXIième siècle deux heures suffisent : le niveau monte. Les chiffres de l’O.C.D.E. sur ce terrain et les médailles Field attestaient de la bonne santé de la matière.
Apprendre à vivre avec l’incertitude s’affirme comme une injonction et tous les jours nos convictions s’effritent, la précarité s’installe. Alors quel apaisement d’aborder la contrée des nombres incontestables, des lignes claires, des jardins ordonnés même s’il existe, me dit-on, des propositions "indécidables" ! De toutes façons pour les démarches : « peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape les souris ». Quand la vérification du résultat tombe juste, quel plaisir et quand il a fallu transpirer que de satisfactions !
« La terre était informe et vide ; les ténèbres recouvraient l’abîme…Dieu dit : " que la lumière soit ! » et la lumière fut. Et dieu vit que la lumière était bonne… » La genèse
Les outils :
- Un cahier de maths recueille les exercices quotidiens réalisés à la main.
J’employais plusieurs livrets « maison » ( feuilles 21X29,7 pliées en deux assemblées sous une couverture amusante). Je ne recourais pas à un manuel unique, mais confectionnais des recueils d’artisan où les élèves écrivaient, calculaient. Constitués après des années de photocopies réalisées au jour le jour, et puis scanner aidant, ces outils clairs et maniables évitent les collages surabondants dans les cahiers d’antan à l’aspect double-cheese. Ce matériel concrétisait une programmation sur l’année. Des recours personnalisés et approfondis sous l’appellation « maths plus »attendaient les élèves en difficulté.
- Un livret pour le calcul rapide et le calcul mental où figurent des grilles vierges consacrées aux révisions chronométrées de tables, des cases prévues pour les réponses aux thèmes progressifs abordés un jour sur deux, de petits problèmes à résoudre sans poser d’opération, une partie autocorrective pour quelques techniques opératoires. Les élèves notent les évolutions. Rapidité.
- Un livret pour les problèmes et exercices, intitulé « Exos rapidos et mémo » grappillés dans une multitude d’ouvrages d’auteurs différents pour éviter le formatage. Diversité.
- Un livret pour les défis maths. Douze séries de dix situations mathématiques à résoudre en groupe en une heure.
Le rituel hebdomadaire :
Samedi, délicieux samedi matin, la classe était partagée par affinités en cinq ou six équipes :
« les gunners » « les pros des maths » « les mouettes »… Une heure pour recueillir le maximum de points en plus ou en moins des 100 points alloués. Les scores tournent en général autour de 160. Certaines des dix réponses rapportent plus que d’autres (de 3 à 15 points). Chaque équipe délibère pour miser un joker sur la solution la plus sûre et double les gains ou les pertes. L’émulation joue systématiquement car c’est rarement la même équipe qui gagne ; des suffisances ont été ébranlées. Les énigmes varient dans les domaines de la numération, des mesures, de la logique, des opérations. J’ai trouvé chez les éditions Retz qui proposent ces problèmes judicieux, les meilleures situations pour un travail en équipe qui ne relève pas du simulacre. Sur ce terrain, s’édifie une entreprise efficace, coopérative, évolutive. Un élève seul ne peut pas tout résoudre : nécessité de se répartir les taches, de négocier. Une confiance aveugle au début est assurée à celui qui s’est gagné une réputation de « fort en maths » mais à être bousculé par le temps, il peut se tromper. Il faut vérifier, se mettre d’accord, partager.
La forme habile des problèmes induit que chaque réponse soit validée par d’autres. Le lent, le maladroit peut apporter sa fraîcheur pour accoucher de la bonne réponse et mériter sa petite part de gloire dans un domaine inattendu pour lui. Gagner de la confiance. La pédagogie de l’enseignement mutuel passe par d’autres mots, d’autres cheminements que la parole de l’adulte. Stimulés par le temps qui semble souvent trop court, le frisson de la compétition n’atteint pas les perdants dans leur individualité mais stimule les vainqueurs et incite à la correction les étourdis, lecteurs inattentifs ; moments de travail intense, bourdonnant. Ce zèle s’éteindra peut- être pour quelques-uns uns ; privilège de l’instit, j’ai goûté à ces moments de grâce.
Ce rendez-vous apprécié du samedi a débouché plusieurs années durant sur une compétition au niveau national qui couronnait l’année et là toute la classe ne faisait qu’un.
« Avoir un bon copain
c’est tout ce qui a de meilleur au monde »
J. Boyer
Le cérémonial quotidien :
Assez immuable, a-t-il contribué à ce que ces heures se passent sans ennui manifeste ?
- Révisions de tables ; sur le bristol personnel de la table de Pythagore, le voisin qui interroge barre les réponses exactes, le propriétaire noircit ces cases et abandonne cette aide quand tout vire au noir.
- Entraînement sur ardoise : deux groupes dans la classe : est/ouest. Claquements de mains. Réveil mathématique. Classique des classiques. Vite.
Moi qui ai peu d’habileté en calcul rapide, j’en imposais de plus en plus à l’heure des calculatrices bien que celles-ci ne soient pas dédaignées. A utiliser par exemple pour des rafales de problèmes. Elles ne nous dispensent pas de réfléchir, au contraire : est-ce que la réponse est vraisemblable ? Elles nous laissent le choix de l’opération pertinente et l’évaluation des résultats. Elles nous permettent mieux appréhender des mécanismes comme la réitération des soustractions pour mieux comprendre la division.
Du fait de mes inhibitions, de mes faiblesses en maths, je me montrais plus bienveillant et peut être plus efficace avec les élèves en détresse.
- Introduction de la notion nouvelle : je m’appuyais sur des situations concrètes, si possible amusantes avec des dessins « humoristiques »au tableau,
Il peut y avoir de bonnes vidéos et je verrais bien une courte séquence de sauts en longueur à la télé dont les résultats introduiraient une séance sur le classement des décimaux. Ecran plat dans la classe ou vidéo projecteur : on ne se refuse rien.
- Le bloc sténo, les livrets, le cahier entrent dans la danse.
- Correction individuelle si possible. Les cahiers fautifs sont corrigés ensemble, les écoliers qui « ont bon » passent à leur travail personnel. Ceux qui accumulent encore beaucoup d’erreurs prolongent avec « maths plus ». Si plus de la moitié de la classe n’a pas acquis : c’est moi qui ai mal mesuré la marche : il faudra ralentir, revenir.
Aujourd’hui des sites bien faits se multiplient sur le net et renouvellent les approches, ils conviennent bien pour le soutien. Mais si les ordis ne demeurent pas à proximité de la classe des problèmes d’encadrements entravent l’efficacité. Les emplois - jeunes dépassaient un rôle d’auxiliaire s’il y avait place dans les plages horaires.
Les années m’ont amené à être plus rigoureux sur le respect de l’emploi du temps. Combien de fois avais-je trop débordé au détriment d’autres matières pour une efficacité presque nulle ? Il vaut mieux garantir une heure de dessin, les mathématiques n’en pâtissent pas, la mauvaise conscience est une conseillère impérieuse et juste.
Géométrie :
- Un porte- vues recueillait chaque semaine un recto-verso A3 avec suffisamment de place pour les tracés. Certains effectuent beaucoup d’aller-retour avant de rendre un travail soigné. Le bloc sténo rend encore des services pour s’entraîner.
J’ai pu vérifier ce qui me semblait fantaisiste : un enfant dans un environnement exigu est souvent plus maladroit. Les lignées bien fournies ne tirent pas toujours les lignes bien droites. Bien dotés: nous possédions de grandes tables dans la pièce attenante, propices à des soutiens en petits groupes, enseignement mutuel ou magistral.
Les jeux de stratégie, à pavage, figures à reproduire, tangrams, sudoku sont réunis sur un rayonnage accessible : pour aller plus loin et autrement. Quelques postes d’ordinateur à disposition offrent une mine infinie de propositions mais le bon vieux pentamino à emboîter rend aussi bien des services. Le musée des maths, une banque de ressources.

2 commentaires:

  1. On fait trop de français ? Maintenant, il semble qu'on fasse trop d'histoire-géo ! Je ne sais ce qu'il faut comprendre.

    Carolina

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  2. Cela s'est aggravé depuis cet avis pour devenir une triste réalité. Tout ce qui s'est rajouté comme nouvelles demandes à l'école est pris sur le temps du français et si la partie la plus visible est une indifférence de plus en plus manifeste à l'orthographe, le vocabulaire s'appauvrit, l'expression écrite devient un exercice rare et la rédaction exceptionnelle.

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