lundi 31 janvier 2011

Le secret de Chanda. Oliver Schmitz

Un enfant vient de mourir, sa mère est malade, le père est une loque : heureusement la fille ainée va sauver le reste de la famille et donner un peu d’espoir dans un milieu où la superstition attise la folie des foules. Le SIDA n’est pas qu’une catastrophe sanitaire mais un désastre culturel, une démolition de la société. La solidarité qui permettait encore la survie dans les quartiers explose. Ce film se déroulant en Afrique du sud est un mélo, mais il n’y a pas de honte si son efficacité amène à dévoiler les non-dits, avancer un peu vers la vérité.

dimanche 30 janvier 2011

Que faire ? (Le retour). Jean- Charles Massera.

Je n’avais pas apprécié un des livres du critique d'art, et écrivain : « We are l’Europe » et là mis en scène par Benoit Lambert avec de bonnes tranches de chanson et des citations à la pelle, je me suis régalé avec toute la salle de l’Hexagone qui applaudissait en cadence une représentation théâtrale qui se termine tout de même par la confection d’un cocktail Molotov. Et nous sommes à Meylan, en banlieue chic. Martine Schambacher et François Chattot les deux acteurs sont pour beaucoup dans la réussite de la soirée avec leur conviction, leur entrain, leur fraîcheur. Dans leur cuisine en bois blanc, avant le « Que faire ? » léninien, la question féconde est « On garde ? » Ainsi quand il faut se débarrasser de livres, est ce qu’on met dans un sac la révolution française, la russe, mai 68, la déclaration des droits de l’homme, l’art contemporain, Beuys et d’autres ? Dont une américaine qui aurait composé un alphabet culinaire et va offrir l’occasion au couple laconique au départ, de partir en vrilles réjouissantes. Il est question de politique et du sens de la vie, il faut vivre malgré l’absurde et le vide qui s’ouvre sous nos pas. Des extraits de Ferré, Piaf, Deleuze et Guattari, Descartes, Bourdieu, je me disais : il faut retrouver ces morceaux, il y avait du Godard paraît-il et du Bergman, mais je n’ai pas reconnu. En tous cas c’était bien, par contre j’ai récupéré le texte d’une chanson d’Anne Sylvestre découvert ce soir :
« J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils ne semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas comme il faut,
...
J'aime les gens qui doutent
Et voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps
Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie
"Merci d'avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu'elles ont pu".

Et une petite pastille de Mouloudji :
« Bien qu'aveugles sur fond de nuit
entre les gouffres infinis
des milliards d'étoiles qui rient...
faut vivre...
malgré qu'on soit pas toujours beau
et que l'on ait plus ses seize ans
et sur l'espoir un chèque en blanc
faut vivre...
malgré le cœur qui perd le nord
au vent d'amour qui souffle encore
et qui parfois encore nous grise
faut vivre... »

samedi 29 janvier 2011

Ce qui a dévoré nos cœurs. Louise Erdrich.

Je garde de mes ancêtres laboureurs, une part d’incompréhension à l’égard des oisifs qui se promènent dans la campagne; je me soigne, mais c’est encore dans les livres que je trouve le plus de charme à la nature.
Louise Erdrich nous avait livré un ouvrage roboratif avec « La chorale des maîtres bouchers », c’était son côté allemand ; cette fois c’est sa part indienne qui s’exprime puissamment.
Un tambour rituel découvert lors d’un inventaire dans une maison américaine va être le véhicule de transmission d’histoires essentielles peuplées de personnages qui acquièrent très vite une densité chaleureuse. Même les corbeaux dévoilent de leurs mystères, alors si les loups, les ours constituent un fond romanesque, les humains dans ces contrées où le froid est plus froid, sont palpitants.
L’empathie de la romancière n’est jamais mièvre et bien des scènes sont violentes, des situations pénibles avec incendies, abandons et chienne folle ; elle nous emmène où elle veut sans les artifices du polar. Nous partageons sa façon d’envisager la vie, la mort, les filiations d’une façon inédite. Ce tambour dont il est question qui exacerbe les sentiments, qui initie, qui rappelle, c’est ce livre lui même.
Je suis assez imperméable aux atmosphères fantastiques et pourtant dans ces 300 pages, j’ai suivi avec passion ces dialogues entre vivants et morts, à la fois poétiques et enracinés dans la terre la plus élémentaire.
« Tu es ici pour être engloutie. Et quand il t’adviendra que tu sois brisée, trahie, abandonnée, blessée, ou que la mort te frôle, autorise- toi à t’asseoir au pied d’un pommier et écoute les pommes tomber en tas autour de toi, gaspillant leur goût sucré. Dis-toi que tu en as goûté autant que tu as pu. »

vendredi 28 janvier 2011

Champ de ruines

La politique s’est tellement dévaluée que subsistent seulement quelques silhouettes ridicules à qui lancer des boulettes.
Morano et Lefèvre entretenaient avec constance la vieille impression facile que « décidément le niveau baisse ! » mais Alliot Marie (« Ali Mariolle » Le Canard) vient de les rejoindre au fond du panier. L’image de la France prêtait à sourire avec « Nicolas le Névrosé » selon le mot de Patrick Rambaud ; c’est la honte à présent, plus personne ne rit, elle est partie la patrie des droits de l’homme, dans le passé.
La Tunisie : en dehors de Daniel Mermet qui prêchait dans le désert depuis des années, les vertueux de la dernière minute qui envahissent les écrans sont inconvenants, et le parti socialiste, qui côtoya Ben Ali dans l’internationale du même nom, ne peut que se montrer discret.
Quotidiennement, viennent s’accumuler les signes de la dégradation des services de santé, de l’éducation, des transports, de la justice, de l’emploi et les seules mesures en matière de fiscalité sont péjoratives pour l’environnement, ils s’apprêtent en outre à cramer l’ISF !
Si Hollande dit « mourir dans la dignité, c'est respecter ce que l'on a été, mais il faut aussi vivre dans la dignité», il a bien sûr raison, cependant comment secouer le pessimisme qui nous accable ?
Le plus préoccupant, car le plus durable, c’est la mise à bas des valeurs qui tenaient debout les citoyens, qui donnaient sens au travail.
Les recteurs étaient des serviteurs de l’intérêt général, ils obtiendront des primes personnelles, s’ils appliquent avec zèle une politique mortifère pour le service public. Et les télés de jouer la diversion voulue par les communicants gouvernementaux : l’anglais à trois ans, et tout et son contraire sur les rythmes scolaires pour masquer les dégâts sans précédents occasionnés à l’école par l’ancien de l’Oréal, Chatel.
Ceux qui ne mesuraient pas leur conscience professionnelle avec quelques Euros, ont les tripes qui se nouent. Des suicides à la poste, chez les policiers, après France télécom : faites venir le psy sur le plateau ! Que peut-il rester de la responsabilité des acteurs d’une société qui ont cru à la noblesse de leur travail ? Les tissus les plus intimes de la société sont touchés par une marchandisation des plus cyniques : l’argent pour les chefs d’établissements n’aurait pas mieux servi à l’embauche d’un jeune ? Woerth ministre de la République fit profession de tromper l’état et récompensa ceux qui se soustrayaient à l’impôt : ça c’est vu ! Mais nous sommes passés à d’autres dadas.
La défaite sur les retraites va au-delà des retraites et ce n’est pas rien cette régression. Le défunt journal Bakchich qui ne manquait pas de vigueur, reconnaissait que ce n’était pas que la faute des directions syndicales. Le « Ploutocratique Leader » (P. Rambaud) peut se féliciter devant son premier cercle de la passivité des enseignants devant l’hécatombe des postes, c’est grave. On a peut être crié trop de fois à la casse des services publics, là c’est fait !
....
Dessin du Canard

jeudi 27 janvier 2011

L’exaltation du corps au temps du baroque.

Le XVII° siècle sera celui du corps triomphant. La beauté est aussi masculine quand Le Caravage l’amène dans sa lumière.
Par des cadrages serrés, sur des fonds sombres, l’attraction vers le corps humain est cependant teintée de culpabilité. Bacchus malade, c’est un autoportrait : le corps est fragile. Le bourreau de Saint Matthieu est plutôt bien traité, comme Judith la criminelle et l’amour vainqueur a un air coquin. La rédemption arrive après les souffrances, c’est Isaac sur le point d’être sacrifié. La mise en évidence de l’influence du Caravage assez récente, est indiscutable aujourd’hui. Des corps de vieillards prennent de la noblesse avec Ribera. Au palais Farnèse, le baroque grimpe au plafond, c’est la bénédiction de la chair avec Annibal Carrache et ses mises en scènes panoramiques. Les jésuites qui l’ont accueilli, avec ses amours de dieux antiques, se sont montrés habiles en renvoyant la mythologie au rang de fable ; ces Apollon ne font plus peur. L’orchestration symphonique de cette gloire des corps, encadrés par des trompe- l’œil rend gloire au corps, création divine.
Poussin a passé l’essentiel de sa carrière à Rome, et sa Vénus triomphale est d’une humaine beauté.
Christian Loubet, intervenant devant les amis du musée, a mentionné les collages d’Ernest Pignon qui a remis dans les rues de Naples les représentations des modèles qui inspirèrent les peintres d’alors. Il parle d’ « effets spéciaux » concernant l’élargissement de la scénographie avec Rubens. Persée représentant la peinture libère la beauté. Je reviendrai voir son jugement dernier à la fluidité impressionnante. Les filles de Leucippe semblent consententantes quand elles se font enlever par Castor et Polux avec leurs courbes généreuses aux rythmes complémentaires.
La vision du corps sera plus prosaïque avec Rembrandt qui se met dans un coin d’un tableau où il représente son épouse, pour nous dire : « je suis le gardien de la beauté de ma femme ». Sa leçon d’anatomie où les apprentis chirurgiens en toute discrétion chromatique ont les yeux rivés sur un corps mort pour mieux apprendre la beauté des vivants. C’est « l’âge d’or ».
La source de la lumière est au centre des tableaux du discret Georges De La Tour dont les corps nacrés resplendissent. Son prisonnier, qui est interprété aujourd’hui comme étant Job au corps flétri reprenant de l’énergie avec sa femme qui vient le visiter. René Char : « La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j'ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n'ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l'emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d'ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l'homme assis. Sa maigreur d'ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L'écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l'inespéré mieux que n'importe quelle aurore. »
Le Mars de Vélasquez semble déchu, le temps emporte les corps. Le Bernin qui sculpta souvent des statues pour des tombeaux est le mieux placé pour représenter l’art baroque en donnant vie au marbre. La plus immuable des pierres devient l’organe des métamorphoses. « La vérité dévoilée par le temps » n’est pas qu’un titre parmi d’autres, c’est à travers la théâtralité la plus outrée la sublimation du corps, celui-ci n’est pas que faible, il s’exalte. Sublime il nous transporte. Sainte Thérèse accède à la transverbération dont Wikipédia nous dit : « Ce terme désigne le transpercement spirituel du cœur par un trait enflammé. Il s'agit d'une blessure physique provoquée par une cause immatérielle. Il s'agit du prélude à l'union du "Verbe" et d'une âme, sous forme de noces ou mariage mystique » Encore le « Verbe ». Sainte Thérèse, elle-même, écrivait : « J'ai vu dans sa main une longue lance d'or, à la pointe de laquelle on aurait cru qu'il y avait un petit feu. Il m'a semblé qu'on la faisait entrer de temps en temps dans mon cœur et qu'elle me perçait jusqu'au fond des entrailles; quand il l'a retirée, il m'a semblé qu'elle les retirait aussi et me laissait toute en feu avec un grand amour de Dieu. La douleur était si grande qu'elle me faisait gémir » Il fait chaud dans la chapelle de Santa Maria della Vittoria à Rome.

mercredi 26 janvier 2011

Touristes en Chine 2007. # J3. Brocante du dimanche.

Nous avons récupéré un sac oublié hier à la pâtisserie. Nous démarrons à 8 heures.
Fabrique de cloisonnés : une vraie fabrique où nous pouvons suivre le processus étape par étape avant d’en contempler les résultats dans la boutique. Des cloisons de cuivre sont collées, des pipettes remplacent les pinceaux pour remplir les espaces avec des poudres d’émail aux couleurs harmonieuses mélangées à de l’eau.
A la sortie du four un vase rouge incandescent se métamorphose très rapidement avec l’apparition magique des couleurs. Il est poli au sable et à l’eau et les mains tenant l’objet sont soumises à une humidité permanente
Le Palais d’été attire beaucoup de monde en ce dimanche, nous passons par des petits chemins. Des arbres sont emmaillotés, bandés tout le long du tronc. Le jardin avec ses plans d’eau envahis de lotus, est entouré de passerelles et de ponts, de kiosques où s’abritent des musiciens, flûtiste, chanteuse « classique » accompagnée par un enregistrement.Beaucoup de charme et de tranquillité. Les portes en forme de vase symbolisent la paix. Grimpette pour un point de vue sur le lac. Le temple comporte de curieuses peintures sur bois et une façade de bouddhas décapités qui ont retrouvé à nouveau une tête. L’immense galerie couverte de plus de 700 m, est-elle la plus longue du monde ? Le souvenir humiliant des pillages de 1860 sur ce site par les troupes franco-britanniques est encore là. C’est Victor Hugo qui écrivait : « Cette merveille a disparu. Un jour, deux bandits sont entrés dans le palais d’Été. L’un a pillé, l’autre a incendié. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits. Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre »
Pour 10 yuans chacun, nous prenons un bateau, assorti aux bâtiments du palais sur le lac Kumming. A proximité un bateau en marbre d’une trentaine de mètres qui a englouti l’argent des Anglais destiné à moderniser la flotte chinoise. Sous le pont de 17 arches (8+8+1), seul l’empereur passait sous la plus haute.
La Buick qui a rayé sa carrosserie rutilante, nous retrouve sur une autre rive, elle nous dépose au Panjiayuan pour un marché du dimanche.Petit encas dans un self pas terrible pour un poulet avec cacahuètes bouillies (riz=mifa).
Evocation du grand bazar d’Istanbul. A l’attaque ! La brocante est riche de 3000 stands : tissus, bronzes, art tibétain, pierres, fossiles, jade, porcelaine… Peu d’occidentaux ou alors ils achètent en gros. Nous déambulons sous la halle couverte, même derrière une des portes d’entrée les marchands ont investi les lieux. Vers 16h le remballage commence. Les marchandises rejoignent des boites molletonnées, les vélos tractent des bouddhas, des monceaux d’objets s’échafaudent. C’est à ce moment que nous marchandons des statuettes en bois, abandonnant le marchand qui nous rattrape acceptant notre offre. Retour à l’hôtel en taxi. Thé dans la chambre. Transaction difficile pour changer des $ à l’hôtel. La fille maussade compte et recompte nos billets et recompte pour finalement nous changer 400$ des 800 demandés. Repas dans notre restau du premier jour : 73 Y avec les bières. Lichies à la sortie et préparation du départ de demain.

mardi 25 janvier 2011

Un certain équilibre. Dupuy et Berberian

Episode 7 des aventures urbaines de Monsieur Jean.
Tranches de vie de couple, papa est papa poule, son copain Félix toujours aussi sentencieux et agaçant, mais son fils futé lui donne quelques leçons de savoir vivre, tout en profitant de la situation.
Petites scènes de la vie quotidienne : la boulangère assène ses « bonjour » parce qu’elle n’a pas entendu le vôtre.
Mais ce ne sont que légères contrariétés, comme les chaussettes qui se désolent de vivre dans « un monde qui est une machine à laver qui sépare ceux qui s’aiment ».
Ce n’est pas seulement parce que le trentenaire bobo en est encore à découvrir le portable que cette BD a un petit parfum charmant d’un temps déjà révolu, mais cette douceur de vivre ne me semble plus tout à fait à l’âpre goût du jour.
Cinq ans déjà, on ne savait pas qui était Frédéric Lefèvre et Kouchner était presque intact.
Quelques pages de gentillesse et d’humour badin ne peuvent pas faire de mal.

lundi 24 janvier 2011

Poupoupidou. Gérald Hustache-Mathieu

Pou : film pour acteurs de second rôle qui ici tiennent bien l’affiche : Jean-Paul Rouve et Sophie Quinton.
Pou : film policier, une jeune fille blonde est retrouvée morte sous la neige.
Pi : un écrivain parisien à Mouthe « la-ville-la-plus-froide-de-France ».
Dou : La fragilité de la gloire médiatique fut-elle bien modeste.
Il y a un peu de tout dans Poupoupidou : de l’humour et des lourdeurs, quelques jolies images de neige et des personnages aux traits forcés, des surprises dans le scénario et des accumulations un peu bourratives : il y a du « Vénus beauté », du Mocky, du Chabrol certains disent Lynch ou les frères Cohen mais moi je l’ai trouvé bien frenchy et je n’ai pas apprécié le fil trop gros qui trace le parallèle entre la vie de « La belle des champs » qui a le mérite de ne pas être présentée comme une « gourdasse » et Marilyn. J’ai trouvé cependant que le ton était juste pour décrire la vie dans un village du Jura avec cruautés adolescentes et rêves inaboutis.

dimanche 23 janvier 2011

Lulu. Braunschweig.

Wedekind l’auteur qui fut emprisonné par Guillaume II, travailla et retravailla cette œuvre pendant des années depuis 1892, et Pabst au cinéma et Berg pour l’opéra y tournèrent autour. Cette fois c’est le directeur du théâtre de La Colline qui fait tourner le décor et nous en met plein la vue, allant jusqu’au Grand Guignol. Le mélo parfois teinté de comédie dure quatre heures qui ne m’ont pas semblé longues, il m’est arrivé même parfois souhaiter prendre du temps pour quelques nuances, mais ce n’est pas le propos puisqu’il est plutôt question de tourbillon, d’étourdissement. Pédophilie, inceste, prostitution, cependant les vapeurs de soufre se sont diluées dans la grande salle de la MC2. Des références à l’univers de Dickens sont évidentes dans le dernier acte, beaucoup plus que Schiele ou les expressionnistes allemands convoqués pour décrire un érotisme qui va littéralement jusqu’à l’écorché. La mise en scène est réussie pourtant le jeu des acteurs ne fait pas l’unanimité. Dès que l’érotisme est mis en tête de gondole, il s’évapore. Les miroirs refroidissent les images en les multipliant. Le carrousel des fantasmes embarque la pauvre fille plus objet que sujet, vers la phase ultime de la perversité : les cadavres sans mémoire se sont accumulés, l’argent a coulé ; retour vers le ruisseau. Cet essai de concentré justifierait finalement le titre : « tragédie monstre » et pourtant l’émotion n’était pas au rendez-vous.

samedi 22 janvier 2011

Pourquoi lire ?

Revoilà un essai d’un Charles Dantzig première bourre : érudit et léger, nous étonnant, faisant un sort aux idées reçues et nous rassurant, jouant sa musique personnelle et citant à tour de bras.
En ces temps où sous les pavés poussent les plagiats, il sait mettre les guillemets…
« Le livre est un grand arbre émergé des tombeaux » d’Alfred Jarry, pour affirmer lui même sur la page en face : « la bibliothèque est le seul concurrent des cimetières », les deux se valent.
Il nous donne 290 raisons de lire, autant qu’il y a de pages, sommaire compris, parce que :
« lire pour la haine, lire pour les titres, lire pour se contredire, lire pour apprendre, lire pour se consoler, lire pour la jouissance, lire pour avoir lu, lire pour rajeunir, lire pour se réveiller d’une anesthésie… »
Les phrases d’un livre « sont comme des foulards dans un tiroir, aux couleurs toujours fraîches, conservant à jamais dans leurs plis l’odeur délicieuse d’une pensée, d’une émotion ».
J’ai honte, je travaille, mais je partage assez cette idée :
« un des signes des temps barbares est que l’ignorance n’a plus honte »
comme cette impression que les clients des librairies « des girafes broutant lentement des feuilles, sont des boules de passion à l’intérieur desquelles ça bout, ça bondit, ça bande »
Des girafes, il n’y en a plus bézef.

vendredi 21 janvier 2011

Peut-on se passer du nucléaire ?

Au forum Libération, l’angle d’attaque de Tom Burke, ancien directeur des amis de la terre, était original puisque c’est avec des arguments économiques qu’il s’est opposé au nucléaire.
Il a pu ainsi faire dire à François Roussely, ancien directeur d’EDF : « le nucléaire de marché, ça ne marche pas ». Celui-ci a souligné qu’EDF n’avait pas coûté d’argent au contribuable, même si l’entreprise a bénéficié de la recherche militaire.
Le jovial anglais avait juste mentionné pour dire qu’il n’en parlerait pas : les catastrophes, les déchets, la prolifération, l’approvisionnement en uranium… Il en sera cependant question, mais le débat n’est pas tombé dans la caricature même si l’évocation « de ceux qui viennent avec un problème dans la main gauche et la solution dans la poche droite » évoquait une réalité où le lobby du nucléaire pouvait se reconnaître.
Dans un autre débat il a été question de l’attractivité de la France pour l’implantation d’entreprises : le coût relativement faible de l’énergie est un argument puissant.
L’affichage d’ « une renaissance du nucléaire » peut être mis en débat, cependant la France produit 60% de moins de gaz à effet de serre que l’Allemagne.
Le langage des responsables d’EDF a évolué : la pensée colbertiste qui avait valu à la France de belles innovations, une industrie en amont des cycles économiques en position de force dans l’économie mondiale (eau, aluminium…) est tempérée aujourd’hui par des possibilités décentralisées de diversification dans la production d’énergie. Mais il ne faudrait pas que ce discours serve de masque à une privatisation d’un de nos derniers fleurons publics.
.............
Dessin du Canard:

jeudi 20 janvier 2011

He Yifu. Les Alpes dans la brume.

Après la Bretagne et Paris, le peintre chinois est venu à plusieurs reprises dans les Alpes, et le résultat des ses travaux sur papier de riz est en exposition jusqu’au 28 février au musée de l’Ancien Evêché. Une cinquantaine d’encres et aquarelles tout en délicatesse sont présentées.
Disparu en 2008, le peintre calligraphe renouvelle le genre en proposant sans tapage des cadrages originaux avec des réserves dans les lavis qui laissent les œuvres respirer. C’est quand il est le plus chinois que je l’ai apprécié, avec ses brumes, ses espaces inhabités. Lorsqu’un canoë déboule dans ses torrents, je préfère une envolée de feuilles pour animer le paysage. Bien des panoramas nous sont familiers, mais il réchauffe nos regards, aidé par des cartels qui apportent quelques nuances poétiques en approchant une tradition de la montagne (shan) et de l’eau (shui) toute indiquée pour nos chaînes entre Méditerranée et Léman.

mercredi 19 janvier 2011

Touristes en Chine 2007. J#2. Interdite.

Nous retrouvons Wang Hui, notre guide, pour visiter la cité interdite.
Parc de la colline de charbon (Jingshan park). Chacun pratique son loisir : écrire des poèmes éphémères avec un énorme pinceau en mousse alimenté en eau, pratiquer des danses sur l’air de
« vive le vent » ou rythmées par des claquements de mains, chanter des airs d’opéra, s’exercer à la gymnastique en solitaire ou entre copains sur du matériel de salle de sports mis à la disposition de tous, se promener en groupes, en famille. La foule est déjà considérable dans un décor soigné avec des bonzaïs imposants en pots, des lotus cultivés dans de grandes jarres en faïence bleues et blanches. Les vieux arbres portent une étiquette verte quand ils ont moins de 100 ans, rouge entre 100 et 300 ans.
Nous entreprenons l’ascension de la colline artificielle édifiée avec la terre provenant de creusement des fossés de la cité; située au Nord elle la protège des influences mauvaises, suivant les principes de la géomancie, elle s’élève jusqu’à un temple qui domine la ville. Nous profitons d’une vue panoramique sur l’immensité de la cité interdite. Les touristes louent des costumes anciens le temps d’une photographie.
La cité interdite servit de résidence à deux dynasties d'empereurs, les Ming et les Qing, commencée au début du XV° siècle par des ouvriers qui furent parfois plus d’un million à y travailler, les bâtiments qui subsistent après de nombreux incendies datent surtout du XVII°.
Bluffant, extraordinaire ! Il y aurait 9 999 salles et appartements. Nous entrons par le jardin impérial et ses bâtiments pourpres aux toits vernissés jaunes qui rebiquent, véritable ville avec ses rues qui mènent aux pavillons des personnages qui furent importants. Les entrées comportent des paravents en dur pour stopper les mauvais esprits décidément naïfs, voire bas de plafond. Des palais, des meubles, une salle complète pour des horloges, des trônes, des temples, puis au centre, les bâtiments les plus importants pour l’empereur, des dragons, des cerfs, des tortues en statue, des rambardes à trois niveaux avec des gargouilles grimaçantes. Sur les corniches, le nombre impair d’animaux stylisés indique le rang de son habitant. Le chiffre neuf est consacré aux plus grands. Du personnel avec masque de protection et gants passe sa journée à ramasser les détritus. La foule impressionnante des touristes est composée presque exclusivement de chinois.
La Place Tien Anmen est immense (500 m sur 900 m), soit presque 50 ha, entourée de bâtiments officiels dont le mausolée de Mao où son corps est exposé, face à l’entrée sud de la cité impériale où s’affiche son portrait.
C’est là qu’un homme se plantait devant les chars, ses sacs en plastique au bout des bras.
Wang Hui ne peut nous renseigner sur les évènements de 89 qui se sont déroulés sur cette place.
Pour dérouter les moteurs de recherche de la censure, les internautes chinois mentionnent le « 35 mai » au lieu du 4 juin, jour de la répression qui fit des centaines voire des milliers de victimes.
Ayant subi des marxistes léninistes bien de chez nous dans les années 70, je les ai vus, ceux qui voulaient faire plier le monde à leurs rêves, être fracassés. Je me suis beaucoup disputé avec ces donneurs de leçons qui m’ont appris par défaut à ne pas trop en délivrer, de leçons. J’ai portant bronzé à ces soleils rouges. Les montagnes sont restées en place et les paysans se sont rués en ville. Les chinois respirent mieux aujourd’hui, en tous cas économiquement, parce que pour ce qui est de l’air, ici c’est pas Saint Malo.
D’un coup de voiture climatisée nous nous rendons au parc Beihai, le plus ancien parc impérial : en dessous du stupa blanc, le jardin est fleuri, le lac envahi de grands lotus. La promenade est agréable sous les arbres, d’un palais impérial à l’autre avec des petits ponts surmontant des plans d’eau plein de poissons.
C’est en en tricycles que nous allons visiter les hutongs. Nos conducteurs nous déposent dans une des maisons anciennes qui appartenait à la concubine d’un mandarin où nous attend la propriétaire qui a préparé du thé, nous pouvons voir enfin une cour intérieure. Passage obligé dans une fabrique de soie. 3 chemises avec 3 hommes pour nous aider dans notre choix. Dans ce magasin d’état il y a beaucoup de personnel mais la fabrication de la soie ne fonctionne que lorsque les touristes regardent. Le chauffeur nous débarque ensuite dans un quartier moderne aux rues piétonnes pas loin de notre hôtel qui côtoie le vieux quartier en destruction. Des estancos proposant de la nourriture sont côte à côte, tenus par un personnel portant les mêmes habits. Tout se cuisine : scorpions, chrysalides, lézards, hannetons, tripes, sauterelles, huîtres grillées ou frites. Belles présentations, les bières fument et glougloutent, les friandises ont des couleurs flashies. A proximité Channel voisine avec les magasins Lancôme.Le ciel s’obscurcit mais les chantiers de construction se poursuivent. En fait ce n’est pas la tombée de la nuit, mais un orage qui ne tarde pas à éclater. Nous nous mettons à l’abri sous la verrière en casquette d’un immeuble avec grooms et chasseurs d’où nous observons le ballet des voitures, des vélos. La pluie se déchaîne, puis se calme et nous pouvons regagner notre hôtel. Une tentative dans une pâtisserie déclenche plus de fous rires que de ravissement des papilles. Thé dans les chambres. Douches, lessives.

mardi 18 janvier 2011

XXI. Hiver.

Pour ce numéro 13, le récit graphique de Sacco est consacré à des paysans indiens qui vivent dans la pauvreté extrême, allant jusqu’à piller quelques grains dans les nids des rats. Ce sont les Dalits autrefois appelés les « intouchables ». Le dessinateur aurait voulu séjourner dans un village mais des « gens puissants » dans la plus vaste des démocraties vont l’en empêcher.
Souvent dans les reportages proposés par la revue, dont je ne cesse de vanter les mérites jusqu’à saouler mes amis, il y a ces précisions utiles sur les conditions d’écriture qui en accentuent la crédibilité.
Ce numéro est surtout dédié à un « nouveau au monde » : l’Asie, avec un tailleur en Inde, un hôtel au Pakistan, un ancien khmer rouge. Le récit photos porte sur Birmingham et ses communautés religieuses. La « couveuse » de Mantes la Jolie aide les demandeurs d’emploi à créer leur entreprise et le coup de projecteur sur une égérie du mouvement Tea Party révèle des pratiques invraisemblables d’associations liées au parti démocrate tout en donnant la mesure d’un phénomène inquiétant en l’étudiant de l’intérieur. Les derniers français en Algérie sont émouvants et la proximité du récit de la vie d’un ermite dans une forêt française avec les révélations sur la personnalité du maître du "Monde", Mathieu Pigasse rend difficile de juger quel est le plus exotique.
Des voyages au loin rendus si proches avec des surprises, de l’empathie, de la documentation : un copieux antidote aux PPD et autres Pupujadas.

lundi 17 janvier 2011

Somewhere. Sofia Coppola.

J’apprécie le plus souvent les jeux des critiques du « Masque et la plume » le dimanche à 20h sur France Inter, mais je n’ai pas compris la posture de la plupart qui disaient ne rien avoir à faire des états d’âme d’une fille de riche à Los Angeles. Comme s’il fallait être juif newyorkais pour comprendre Woody Allen ou paysan en Corrèze pour aimer Depardon ! Quand on sait la puissance de la machine à rêves Hollywoodienne, en arpenter les couloirs m’a semblé intéressant. Et c’est réconfortant de voir que lorsque les cailles tombent toutes rôties dans le bec, elles n’ont plus de saveur, pas plus que les jolies dindes qui tournent autour des barres métalliques. La vacuité, l’ennui sont bien filmés et le rythme lent permet de saisir les évolutions des personnages qui échappent ainsi à la caricature. La petite ne va pas assurer la rédemption du père du jour au lendemain, mais il va grandir: il se met à cuire des pâtes, en route vers l’humanité.

dimanche 16 janvier 2011

L’homme sans qualité.

Même si les acteurs devaient jouer en néerlandais (surtitré), je m’étais promis de voir cette pièce car j’entretiens avec le livre de Musil, qui fut l’œuvre de toute une vie, une relation particulière. Depuis qu’un routard traversant l’Afrique m’avait laissé ce triple volume de poche pour paiement d’un hébergement lors de mon séjour à Douala, cet ouvrage que je n’étais pas parvenu à achever, avait pris du prix, d’autant plus qu’il est présenté comme une œuvre majeure de la littérature. Ce récit de la décadence au cœur la vieille Europe avait acquis, en milieu couleur latérite, une saveur particulière ; l’anniversaire du règne de François Joseph était exotique.
Je verrais volontiers une de ces malédictions toute africaine qui m’a empêché à nouveau d’aller au bout des trois heures vingt de la représentation : l’assoupissement me menaçait. L’entracte fut bienvenu pour rentrer à la maison et prendre des nouvelles de l’OM à Moscou.
J’avais apprécié « Sous le volcan » du même metteur en scène flamant Guy Cassiers riche de ses belles images, et des micros HF qui rendent bien l’intimité.
Dans ce royaume de Cacanie en 1913, à bout de sens, des interrogations politiques majeures se posent et les réponses sont dérisoires… toute ressemblance concernant par exemple l’identité nationale est bienvenue. Mais à s’appliquer à lire un texte dense sur écran ne laisse que des silhouettes d’acteurs en bordure des regards. Des lycéens à mèche Twilight qui se trouvaient derrière moi, pas franchement enthousiastes au départ et qui envisageaient de s’évader à l’entracte, comptaient bien rester au moment où je repartais. Ils ne manquaient pas de qualité, eux.

samedi 15 janvier 2011

Fahrenheit 2010. Isabelle Desesquelle.

J’aurai dû me douter que l’évidence du titre ouvrirait sur un roman sans surprise.
Référence à la température, en degrés Fahrenheit, quand on en atteint 451, le papier s’enflamme (233°) : Bradbury en fit un livre, Truffaut un film.
Une directrice de librairie assiste à la marchandisation à outrance du réseau auquel elle appartient : le coupable, elle le surnomme « Blondinet » et un autre personnage « Beurk » n’est pas non plus un gentil.
Alors que ces 190 pages auraient pu convenir aux adeptes de la tribu lectrice en voie d’extinction en nous nourrissant de cette littérature, qu’elle dit vouloir défendre, elle l’assassine sous les clichés exténués. Elle dit aimer les livres mais pas ceux d’Harry Potter, bien sûr, et elle méprise tellement d’auteurs, Gavalda évidemment, qui elle respecte ses lecteurs.
Avec un style sans vigueur, elle ne nous épargne pas l’outrance de comparer les libraires aux
« malgré nous » alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande, ni les jeux de mots calamiteux genre « fidèle castré ».
Ce n’est pas un essai politique sur l’économie du livre, ni un éclairage sur les évolutions de la société, ni une défense de la lecture, ni une fiction, ni un témoignage dont on pourrait partager l’émotion: creux et vide, de la chair à pilon !
Ironie du sort, je crois bien que c’est à Carrefour que j’en ai fait l’emplette.
Mes poireaux qui ont côtoyé cette œuvre d’Isabelle Desesquelle, étaient bien goûteux, en vinaigrette.

vendredi 14 janvier 2011

Internet crée-t-il vraiment du lien social ?

Bon débat au forum de Libération entre Benoit Thieulin qui contribua à la campagne sur le net de Ségolène et Serge Tisseron qui n’a pas émoussé sa pertinence en étant un habitué des plateaux télé, car nous sortons des visions apocalyptiques ou fatalistes.
20 millions de français sont sur « Face book ».
La pratique pédagogique du psychologue demandant à des élèves d’imprimer leur page « Face book » et de descendre la présenter dans la cour, confronte les jeunes à ce qui est en jeu dans l’exposition de soi et laisse augurer qu’une démarche, qui aille dans le sens d’un bon usage d’Internet, est possible. L’autonomie se conjuguerait avec la réciprocité, sans assujettissement. L’extimité est un néologisme qui caractérise bien ces nouvelles sociabilités, où les relations sociales « assistées par ordinateur » peuvent se maîtriser. Nous optimisons ainsi nos relations surtout en ce qui concerne notre « second cercle ». En rencontrant le plus éloigné, nous pouvons mieux nous retrouver, nous mêmes. L’écran ne fait pas écran à l’individualisme prééminent du 21° siècle, le renforce-t-il ? Ou permet-il des pratiques collectives efficaces, des constructions mutuelles ? Les deux. Il semble que les ados qui passent le plus de temps sur Internet peuvent être les plus sociables, contrairement aux anciens.
Internet profite le mieux à ceux qui ont déjà le plus de confort social.
Si la toile peut être l’occasion de s’assurer quelques amitiés « light », il n’est pas certain que nos capacités d’empathie en soient renforcées.
La fragilité psychique et l'insécurité physique se confondent en ces temps glacials, même si le réel-envahi-par- le- virtuel est une banalité dépassée.
Je viens de trouver sur le net à partir d’un mot cueilli au Forum « in the real life » « IRL » :
La sérendibité: Selon Jean-Marie Domenach, le « principe de sérendibité » « énonce que lorsqu'on cherche, on trouve souvent quelque chose qui n'était pas ce qu'on cherchait, mais qui vous stimule pour de nouvelles investigations ». De Sérendib, prince indien légendaire qui, parti à la recherche d'un trésor, trouva beaucoup de choses intéressantes, et plus intéressantes que le trésor, mais pas le trésor.
..........
Dans Le Canard de cette semaine.

jeudi 13 janvier 2011

Balkenhol Stephan.

Des statues polychromes en bois tendre dont le socle fait partie de l’œuvre ont la force de l’évidence, alliant une allure familière venue des temps égyptiens à une modernité de bon aloi. Une salle du Musée de Grenoble, jusqu’au 23 janvier, a été envahie par les pingouins tous différents de l’artiste allemand, mais ce sont les représentations d’hommes et de femmes les plus intéressantes, se découpant souvent sur un décor également de bois. Les chairs en bois brut qui portent les traces du ciseau, conservent des ébarbures qui donnent une vibration singulière aux statuettes ou aux visages plus imposants. Lorsque ceux-ci sont en bas relief, le fond lisse vient au premier plan : ces quelques décalages avec des productions traditionnelles en font tout le charme. Un monumental Icare est allongé sur le sol, ses ailes de géant étaient trop lourdes. Souvent ses personnages anonymes sont empreints d’une certaine tristesse, et ses montages cinétiques artisanaux portent explicitement la perspective de la mort, pourtant cette première exposition consacrée à cet artiste est chaleureuse, rassurante, à portée de chacun avec nos bras ballants, nos solitudes, nos blousons et nos pantalons noirs, nos rues de villages aux fanions colorés, nos rêves de voleurs de feu un peu dérisoires, nos secrets.

mercredi 12 janvier 2011

Touristes en Chine 2007. # J1. Les cerfs-volants.

Après la mise en blog de notre séjour au Viet Nam et à New York, je reprends le carnet de voyage de ma femme qu’elle a écrit tout au long de notre circuit en Chine en 2007 avec trois amis.
C’est parti pour une soirée diapos, mise à jour chaque mercredi pendant une vingtaine de semaines.
France,jeudi 5 juillet : froid et pluie (neige à 200m). Parking longue durée à Saint Exupéry. Dans le hall casse-croûte au vin rouge, sandwichs et pain d’épices maison.
Lyon/Frankfurt : 1h30 de vol avec 20mn de retard, la pluie et embarquement immédiat en Boeing 737 à 17h.
9h30 de vol, 6 heures de décalage : atterrissage vers 9h, heure locale.
Température : 33° lourd humide et grisailleux.
Bagages assez vite récupérés, nous votons dès le passage de la douane, notre « très grande satisfaction », en appuyant sur le bouton correspondant.
Wang Hui (« intelligence ») dite Diane nous récupère au nom de l’agence Tai Yang avec un panneau où figurent tous nos noms. Elle nous propose de prendre le minibus Buick climatisé pour nous rendre au temple des Lamas, puisque les chambres d’hôtel ne sont pas encore prêtes.
Le Temple des Lamas est le plus grand temple bouddhiste Tibétain de la ville. Construit en 1694, il est l'ancien palais de l'empereur offert aux moines.Ce monastère hébergea jusqu'à 300 lamas qui avaient des rapports très privilégiés avec l'empereur. Ils étaient, dit-on, les seuls à pouvoir le regarder dans les yeux.Grande allée d’arbres jusqu’à l’entrée, succession de bâtiments à l’origine impériaux et de cours où fument d’énormes brûle-encens couleur rouge-brun ; magnifiques toits jaunes de la couleur du monarque. Ne pas marcher sur le pas des portes, enjamber. Le dernier bâtiment au Nord est surélevé pour abriter un bouddha de 15m de haut taillé dans un seul bloc de santal. Des ouvriers attaquent au marteau la peinture rouge qui recouvre les parties en bois pour rénovation.
Red Wall Hôtel, luxueux avec loufiats et tapis rouge.
Diane qui se révèle un guide vif, intéressant et plein d’humour nous facilite les formalités: caution de 60€ par chambre, clim’, carte à puce à la place de la clef. Elle nous quitte, elle habite au-delà du quatrième périphérique.
Change à la banque de Chine adjacente : compréhension difficile mais transaction souriante : 10 yuans=1€, c’est plus compliqué avec les $
Restaurant dans le quartier où pour 10€, nous avons un aperçu gastronomique de Pékin : légumes verts curieux, champignons, plats au wok et de la bière tsingtiao, thé à volonté.
Promenade dans les hutongs ruelles étroites traditionnelles où nous ne faisons qu’apercevoir les cours et entrées des maisons, avec des toilettes à tous les coins de rues de construction récente, elles sont sans doute absentes dans les concessions. Pouvons- nous juger s’il vaut mieux ces maisons pittoresques sans confort à une vie en appartement ? Des vieux prennent le temps, assis au bord des rues étroites, à jouer, à discuter. Nous voyons de superbes cages d’oiseaux habitées, suspendues par d’élégants crochets en cuivre, sous de nombreuses lignes électriques enchevêtrées avec les armoires en hauteur. Les vélos sont silencieux, parfois électriques. Les filles protègent leur peau sous des parapluies, voire des gants longs pour couvrir leurs bras. Elles préfèrent les jupes aux pantalons de leurs mères. Repos dans un jardin public, il fait chaud, lourd, brumeux et sommeil. Nous poursuivons nos découvertes à deux derrière nos appareils photos: petits enfants avec ballons et grands avec cerfs-volants. Nos comparses vont à l’hôtel au frais.

mardi 11 janvier 2011

Muchacho. Lepage.

Je suis assez rétif aux séries en général et en BD en particulier, pourtant je goûterai volontiers le tome 2 du nouvel album de l’auteur de Névé. Ses encres sont particulièrement bien éclairées, sans qu'aucun esthétisme ne vienne distraire d’une histoire bien menée. La violence des rapports sociaux en Amérique du Sud justifie-t-elle cependant quelques portraits de méchants particulièrement sans nuances cyniques et pervers ?
La recherche d’un style pour le jeune séminariste qui doit peindre une fresque dans un village du Nicaragua dans les années 70 peut croiser les préoccupations de l’auteur : « Gabriel, vous allez peindre la passion ! Imaginez cet homme Jésus qui s’est levé contre l’envahisseur et ses zélateurs… qui avec des mots d’amour et de fraternité a déstabilisé l’empire et l’oligarchie religieuse et qui trahi par celui qu’il aimait le plus, marche épuisé, vers la mort, portant la croix qui scellera son destin. Imaginez la chaleur ! Imaginez le sang et la sueur qui lui coulent dans les yeux… Croyez vous que cela ne parle pas davantage à ces paysans que des compositions éculées, des mouvements maniérés à force d’être répétés, que ces momies extatiques qui encombrent les églises. La lumière n’est pas dans l’or des auréoles ! »
J’ai lu le tome 2, aussi beau que le premier, mais au scénario sans surprise. « Le monde est tou-jours ainsi et il n'en a ja-mais été au-tre-ment » s’oppose à « Vous n'étein-drez ja-mais l'es-pé-rance ». Il pueblo unido…

lundi 10 janvier 2011

Le président. Yves Jeuland.

La politique spectacle est en représentation jusque dans les coulisses mais Georges Frêche lors de sa dernière sortie victorieuse des régionales restera toujours insaisissable.
Une certaine vérité des images s’illustre dans ce documentaire, images sur lesquelles il ne s’était pas donné de droit de regard, et cela sera retenu en sa faveur comme sa truculence et ce flair qui taille des croupières au politiquement correct. Je m’attendais à voir des conseillers cyniques, ils le sont parfois, mais excités par les bolées d’adrénaline qu’ils se servent lors des jeux de campagne électorale, ils travaillent, ils fatiguent. Le président n’est pas brutal, hautain ou provocateur à plein temps non plus, il est parfois joueur avec ses conseillers qu’il s’applique à ne pas toujours écouter voire à contredire. Il n’est surtout pas dupe de cette comédie et ceux qui se tirent le moins bien de cette chronique passionnante sont « les habitants du sixième arrondissement de Paris ».
Que Fogiel se fasse renvoyer dans les cordes est un plaisir sans mélange.
« J'observerai d'abord une minute de silence pour les partis politiques tels qu'on les a connus au XXe siècle. Ce soir ce sont eux qui sont les grands perdants de ces élections au vu de l'abstention. Les partis politiques sont devenus comme des étoiles, ce sont des étoiles mortes. Ils continuent de briller mais ils sont morts depuis longtemps. »
Il a contribué à ce dépérissement.

dimanche 9 janvier 2011

Identité. Gérard Watkins.

Le texte de cette pièce jouée dans la salle de création de la MC2 a reçu le grand prix de littérature dramatique 2010. C’est une vision de notre époque originale et féconde.
A travers un couple clairvoyant et désespéré qui cherche sa propre identité dans la bouteille ou une grève de la faim, des éléments annonçant les heures sombres des années 40 sont remis en perspective. Sans prêchi prêcha, des textes qui définissaient qui était juif sous Pétain sont rappelés: ce n'est pas si loin.
Pour répondre à la question : « Vos parents sont-ils vraiment vos parents ? », en passant par l’ ADN, André Klein va vérifier que son père a toujours peur de lui , et elle que ses parents sont seuls de trop d’amour. L’économie de moyens, l’austérité revendiquée de la mise en scène, font ressortir la force et la subtilité du texte servi par le talent des acteurs Anne-Lise Heimburger et Fabien Orcier.
Il nous arrive de sourire, et de nous inquiéter.

samedi 8 janvier 2011

Indignez vous ! Stéphane Hessel.

Aux éditions « Indigène » dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent » : il marche, le petit livre, oui, vers le million d’exemplaires pour une pincée de pages écrites à partir de son discours des Glières. Ce n’est pas tant l’originalité du propos, pour cela récemment la série d’articles dans Libération mettant le populisme en question est bien plus stimulante, ni la forme : un ami vient de m’envoyer pour ses vœux quelques lignes de Bénigno Cacérès fondateur de Peuple et culture qui ont le même souffle, la même hauteur de vue, mais le titre vivifiant a suffi pour fabriquer un phénomène éditorial semblable au « Matin brun » de Pavloff, il y a plus de dix ans déjà. Le succès va d’habitude tellement vers des productions qui flattent la passivité, que l’engouement pour ce texte est remarquable au-delà des mots qu’il contient. L’ancien diplomate s’indigne de la dictature des marchés financiers, des remises en cause en matière de retraites,de sécurité sociale, de l’état de la planète, du traitement réservé aux sans-abris, aux sans papiers, aux Palestiniens…Il place son engagement dans la lignée de Sartre « vous êtes responsables en tant qu’individus ». Ce succès peut-il rassurer sur les consciences qui ne dormiraient que d’un œil, mais signifier aussi à travers une certaine évidence voire banalité des propos ; qu’il faille un tel rappel ne renseigne-t-il pas aussi sur une certaine apathie de l’opinion ? Le simple sommaire d’un journal télévisé suffit à remplir notre caddie d’ indignations. Le problème reste entier pas seulement pour fournir des outils pour résister mais ce n'est pas gagné de s’entendre sur des perspectives où vivraient d’autres valeurs, où les jeunes auraient un emploi, les anciens des soins, les travailleurs du respect...
Il appelle avec les vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre à « une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse ; le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous ». Ce bonhomme suave de 93 ans parle à la jeunesse non pour la flatter, mais pour l’élever : tout n’est pas perdu !
Dans la postface son éditeur rappelle qu’ « après des interrogatoires sous la torture - l’épreuve de la baignoire notamment, il déstabilise ses tortionnaires en leur parlant l’allemand sa langue natale. » Il est envoyé au camp de Buchenwald. Sa vie est un roman qui tiendrait lui bien des pages. Là dans une forme économique (3€) qui convient visiblement à l’époque, il nous envoie un joli signe pour la décennie qui s’ouvre. Il n’y a pas que des Dumas (Roland) qui ont voix au chapitre !

vendredi 7 janvier 2011

L’Afrique au cœur de l’Europe.

Il n’y a pas eu vraiment de débat au forum 2010 de Libé à Lyon sur ce sujet
puisqu’André Julien Mbem entonnant, après son arrivée tardive, un discours d’une Afrique rêvée :
« la mise en réseau des peuples grâce aux nouvelles technologies » était décalé après les développements du directeur français (IFRI) Dominique David, concernant par exemple la Méditerranée qui constitue une barrière plutôt que le pont envisagé par l’essayiste.
Si la Françafrique a tendance à s’effriter, le recentrage est plutôt utilitariste.
A un sommet, les seuls entretiens du président français l’ont été avec l’Afrique du Sud (BTP, centrales nucléaires) et le Nigéria (pétrole).
Historiquement, L’Europessimisme a alterné avec l’Afroptimisme, quand l’Afrique a mis fin à l’exclusivité de ses relations avec l’Europe, bien que les coopérations en matière de lutte contre le terrorisme, de sécurisation de l’accès aux matières premières soient vitales pour tous.
L’Inde, La Chine, le Brésil sont dans la place
Dans les années 60, l’Europe s’intégrait, les états s’affirmaient en Afrique,
aujourd’hui de grands ensembles se construisent en Afrique alors que l’Europe se morcelle.
« Les civilisations sont mortelles » comme disait Valéry ; elles seront durables, si elles s’ouvrent.
Les échanges sont certes inégaux, chaotiques pas spontanément pacifiés mais la diaspora africaine apporte de la jeunesse à l’Europe.
Nous sommes devant des difficultés où les discours lénifiants sont inopérants face à l’instrumentalisation des problèmes migratoires.
Le pacte, social, économique doit être redéfini.
L’assimilation c’est construire du « même », quels contenus à l’intégration ?
……………
Le dessin du Canard qui titrait par ailleurs cette semaine : « Vals tragique au parti socialiste »

jeudi 6 janvier 2011

Polka.

Un magazine de photos dirigé par Alain Genestar qui fut viré de Paris Match pour avoir lésé sa majesté en montrant Cécilia avec un autre. Cette publication trimestrielle en est à son numéro 10, elle valorise des photographes comme Peter Lindbergh familier de « Elle » et de « Vogue », celui-ci a une vraie patte, mais c’est du classique pour papier glacé. Cependant d’autres sujets sont forts : avoir vingt ans à Gaza, les enfants de la génération Katmandou, comment voient-ils la retraite ? Et d’Haïti à la ville de Troy aux Etats-Unis quel est le plus désespérant ? Une rencontre avec les familles des moines de Tibhirine prolonge le film remarquable. Les quelques images du festival de Black Rock désert sont un peu maigrichonnes, et on aurait aimé aussi plus de portraits de Hans Sylvester qui propose déjà un cadre de fenêtre rouge aux Ethiopiens qu’il photographie avec sympathie.
L’intitulé : « un autre regard sur le monde » est sans doute ambitieux, reste que les 130 pages se laissent feuilleter avec plaisir et que quelques reportages valent le coût (5€).

mercredi 5 janvier 2011

L’élite de Brooklyn

Film noir d’Antoine Fuqua avec Richard Gere, classique et efficace : rap, putes and drugs, calibres et liquide. Juliani avait fait baisser la violence à NYC, il y a semble-t-il encore du boulot ! D’autant plus que les fonctionnaires doutent violemment de leur mission quand ils ont une famille à nourrir, la retraite qui arrive chez un suicidaire, une carrière soumise aux chantages.
A quel prix se remettront-ils sur la voie des défenseurs de la loi ? Il paraîtrait que l’abus de la Play Station a vidé les rues de la convivialité qui faisait la force des gangs. Mais il n’est pas besoin que les lascars menacent de précipiter leur prochain du haut des immeubles pour se faire des sensations, un bon film avec beaucoup de coups de révolver peut y pourvoir.

mardi 4 janvier 2011

L’almanach dauphinois.

En relisant le titre de ce numéro 45 valable pour l’année 2011, je m’aperçois que le terme « vieux » a disparu du titre, bien que le dessin de couverture avec la vieille au rouet et le vieux à la lecture devant l’âtre, persiste sur le créneau patrimonial.
Même si un site web existe, le charme de ces 130 pages tient bien sûr à ses fondamentaux immuables :
Les travaux du mois : « au rucher : s’il fait doux, mettre à la portée des abeilles de l’eau légèrement salée dans une petite auge remplie de pierres lavées »
Des dictons : « Quand l’arbre est tombé, tout le monde court aux branches »
Du patois (de Saillans) : « Como plou louf ru dins las casteletos,
Ecoumo bravament acanou las drouletos »
« Comme pleuvent les fruits mûrs dans les claies en osier
Et comme fortement les secouent les jeunes filles. »

Des expressions : « Celui là quel gnâgnou, on est toujours obligé de l’attendre. »
Interactif, en répondant à un lecteur recherchant un chant appris à l’école, qui disait :
« Honneur et gloire à l’école laïque
Où nous avons appris à penser librement,
A défendre à chérir la grande République,
… Tu fis notre âme Ecole et notre conscience. »

Echos du passé.
Et les faits écoulés l’an dernier en Dauphiné, France et Monde, avec un reportage à Saint Marcellin, une veillée patois et tout sur le lys martagon et la poire Martin Sec, les histoires de Fafois, les centenaires... Mais ce qui me semble le plus savoureux ce sont des suggestions pour son almanach personnel où l’on peut noter la date du premier chant du merle, quand les forsythias ont fleuri, quand on a aperçu le premier papillon jaune, mis le chauffage …

lundi 3 janvier 2011

Another year. Mike Leigh.

Encore un effet du dithyrambe critique qui aurait vu volontiers un prix à Cannes pour ce film; je sors de cette chronique agréable avec un léger sentiment de déception. Je n’ai absolument pas retrouvé la noirceur des âmes dont parlait Libération, sans aller jusqu’à rejoindre le Petit Bulletin qui parle de mépris de l’auteur et des personnages principaux. Le gratuit grenoblois à côté de qui les Inrocks apparaît comme un pourvoyeur des critiques consensuelles.
Quatre saisons dans le jardin et autour de la table d’un couple de la classe moyenne anglaise auprès de qui viennent se réchauffer des solitudes sérieusement imbibées. Miroir de nos propres arrangements qui aident aux relations, avec sa part de rites, de jeux de rôles, de rires, où l’aveuglement peut côtoyer la bienveillance ; ce film fait discuter. Si je crois que l’amitié se nourrit de réciprocité sur une base égalitaire, les relations décrites par Mike Leigh et sa troupe ne sont pas toujours de cette eau. Le vin est bon autour des barbecues et les tomates du jardin savoureuses. Il arrive si souvent dans la vraie vie que l’on dise « si c’était au ciné, on trouverait ça exagéré » alors je ne sais si les personnages sont caricaturaux, mais j’aurai goûté plus d’ambigüité, de nuances.

dimanche 2 janvier 2011

Leçon de jazz # 2 : Bill Evans.

Antoine Hervé au piano a beau être un pédagogue emballant, je n’ai pas tout saisi de ses explications à la MC2. Quand il évoque la « working bass », il arpente la scène en rythmes différents, il mime l’orchestre et la formation de Duke Ellington et ses balancements occupe alors le plateau. Mais si « la tonique » et « le modal » ont gardé leurs secrets, j’essaye de mieux approcher les subtilités d’un compositeur raffiné marqué par Ravel et une ascendance russe qui inspirera le ton des dédicaces qu’il adressera à son père. Romantique comme Chopin, il se distingue de Peterson qui correspondrait lui au virtuose Liszt. Plus chercheur de mélodies qu’embarqué dans les beats impassibles. Peu sûr de lui, recroquevillé sur son clavier, le blanc va connaître la notoriété après sa rencontre avec la super star Miles Davis, le noir. C’est « Kind of Blue », l’album de jazz le plus vendu au monde. Tout à ses improvisations qui l’ont fait reconnaître comme un des plus grands, il laisse la place à la batterie et à la contrebasse qui sortent alors des limites accordées jusque là, dans un trio très « interplay ». La valse lui va bien pour traduire la mélancolie. « Quand les étoiles s’éteignent » ; en 1980 il meurt, il était né en 29, la drogue, ce singe qui s’agrippait à son épaule, l’avait étranglé.

samedi 1 janvier 2011

2010 est passé. Bon 2011.

J’ai choisi cette image d’une rue obscure de Lyon pendant la fête des lumières, avec des coins rendus à la nuit, pour mieux faire ressortir la magnificence des lieux illuminés.
Que 2011 connaisse des couleurs plus gaies que la dite année dix qui fut plutôt sombre, même si c’est toujours le même peintre qui tient le pinceau noir !
« Peintre » désignait un piètre joueur dans l’argot un peu désuet au bord des terrains de foot ou de rugby, avec ceux qui savent de quoi on parle quand « le cochon est dans le maïs », mais ce n’est pas encore 2012.
Bon MMXI.

L’horizon. P. Modiano.

« Les mots dont il remplissait son carnet évoquaient pour lui l’article concernant la « matière sombre » qu’il avait envoyé à une revue d’astronomie ».
De belles pages sur la mémoire, l’émergence, parmi les brumes de journées ensoleillées. A la recherche indolente du temps. Deux personnages échappent à ceux qui les poursuivent, ils se rencontrent et se perdent. Nous les suivons dans leurs déambulations incertaines dans un univers de papier où les librairies sont désertées par les clients, où les éditions du « sablier » ont cessé leurs activités. Je n’ai pas saisi le sens de ce titre, mais cette incompréhension est légère pour rester dans le ton de ces 170 pages rêveuses comme des aquarelles charmantes peintes par-dessus un plan de Paris d’il y a quelques années.
« Il avait toujours imaginé qu'il pourrait retrouver au fond de certains quartiers les personnes qu'il avait rencontrées dans sa jeunesse, avec leur âge et leur allure d'autrefois. Ils y menaient une vie parallèle, à l'abri du temps... Dans les plis secrets de ces quartiers-là, Margaret et les autres vivaient encore tels qu'ils étaient à l'époque. Pour les atteindre, il fallait connaître des passages cachés à travers les immeubles, des rues qui semblaient à première vue des impasses et qui n'étaient pas mentionnées sur le plan. En rêve, il savait comment y accéder à partir de telle station de métro précise. Mais, au réveil, il n'éprouvait pas le besoin de vérifier dans le Paris réel. Ou plutôt, il n'osait pas... »