jeudi 3 février 2011

Robert Campin, Roger Van Der Weyden.

Bien au-delà des biographies d’artistes ou d’une couche de plus à étaler concernant la peinture, Damien Capelazzi, conférencier étourdissant aux amis du musée, m’a fait découvrir des pages qui m’étaient inconnues quand les villes de Flandres dépendaient du duché de Bourgogne. Désormais je ne ferai plus l’impasse sur cette période de la fin du moyen âge dont me furent révélées quelques beautés renversantes, d’autant plus que les projections sur grand écran magnifiaient encore plus le travail de ces artistes qui opéraient souvent dans des formats modestes, d’une vingtaine à un soixantaine de centimètres.
C’est le temps des Philippe le Bon et de Charles le téméraire dit le Portugais, des heures riches du duc de Berry, des mariages patrimoniaux voire des réseaux ducaux autour des maîtresses. Alors que l’Italie renait autour des ruines antiques, une pépinière d’artistes a les faveurs de Dijon. L’art nouveau flamand ouvre ses fenêtres sur les villes contemporaines adopte les étoffes du présent. Les Flamands embarquent le réel avec eux ; leur rouge très humain cache parfois le bleu de la divinité sans l’évacuer. Avec l’huile, les visages s’assouplissent, les trognes s’éclairent.
Robert Campin dit maître de Frémaille ou maître de Mérode est un touche à tout et sa peinture aux drapés incisifs évoque la sculpture. Dans une Annonciation, une vierge au front épilé, aux cheveux défaits, reçoit l’ange venant d’atterrir dans un souffle divin qui éteint une chandelle et fait tourner les pages. Les corps sont suivis de leurs ombres et la suie est dans la cheminée.
Quand Marie, en d’autres occasions, donne le sein cela ne compte pas pour du beurre, et Jésus qui s’agite va-t-il recevoir une fessée ? Il est en position et Marie se chauffe une main. Dans un autre portrait l’œil du christ brille, c’est que peindre est une entreprise théologique. Mais aussi une adaptation au marché : cette Trinité n’est-elle pas une Pietà reconvertie où Dieu en personne serait venu se substituer à Marie? Lors des commentaires sur une descente de la croix dont le réalisme m’a broyé les os, j’ai appris que l’éponge vinaigrée était un accessoire fréquent dans les latrines et que Véronique (Vera iconica) la patronne des photographes qui recueillit l’image du visage du christ s’appelait en réalité Bérénice. Le patron des informaticiens étant saint Isidore de Séville.
Les miroirs aussi apparaissent pour faire le tour des personnages comme nous le permet le sculpteur.
Rogier de La Pasture naquit à Tournai en 1400, là où un de ses maitres Robert Campin, qu’il influencera à son tour, a fini sa vie. Il portera le nom de Van der Weyden.
Dans une magnifique descente de Croix, désormais au Prado, le corps du Christ est au centre de la composition et la Vierge, s'affaisse à côté de lui en écho à la position de son fils dont le sang coule vers le lieu premier de la circoncision, la main de vierge frôle le crâne d’Adam : la boucle est bouclée. La terre sera son dernier costume, sa mère avait été le premier. De lourdes larmes coulent sur le visage rougi d’une femme et c’est toute la douleur du monde qui est là.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire