lundi 31 octobre 2011

L’exercice de l’Etat. Pierre Schoeller.

On a beau croire tout savoir sur la politique, le film de l’ancien documentariste peut nous en apprendre encore. Le ministre des transports doit profiter d’une « séquence émotion » pour faire passer des mesures impopulaires. Oui la com’ a pris toute la place mais il peut y avoir des morceaux de sincérité : un dir’ cab’ qui se passe les scansions de Malraux d’ « Entre ici Jean Moulin » ne peut être entièrement mauvais. Le pouvoir est nu, il s’enivre, désemparé, dans l’illusion.
L’excitation multipliée par la vitesse des nouveaux moyens de communication est bien rendue dans un film rythmé, loin des caricatures et pourtant décapant, même si les séquences oniriques sont un peu lourdes à mon avis quand elles soulignent le côté bandant de la position ministérielle.
Revenu devant des écrans plus petits, je n’ai plus vu le personnel politique avec le même œil.
De bons acteurs, dans le film, des dialogues excellents où la distance entre les gouvernants et les citoyens est pointée avec justesse.

dimanche 30 octobre 2011

Les sacres du printemps.

Le théâtre des Champs Elysées comporte désormais à son fronton le buste de Nijinski qui a chorégraphié Le Sacre du printemps d’Igor Stravinski créé là en 1913 pour les Ballets russes de Diaghilev. Il s’agissait de soirées où les artistes partageaient le plateau, d’où le format court d’une œuvre comportant deux parties : l’adoration de la terre et la danse sacrale. Mais devant le scandale de la nouveauté, le ballet ne connaîtra que cinq représentations.
Nouvelle bataille d’Hernani : « Ce fut comme si la salle avait été soulevée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, et puis des gifles voire des coups ».
Les rythmes de la musique tellurique, avaient donc débordé de la fosse, les mouvements des danseurs avaient paru trop novateurs, pourtant Proust dira : « je n’ai jamais vu rien d’aussi beau ».
C’était du temps de Marie Curie, Einstein, Malevitch, Mallarmé, Brancusi, Ravel, Debussy…Picasso : ça bougeait.
Marie Claude Pietragalla a repris récemment le rôle de l’élue qui doit danser jusqu’à l’épuisement, dans une reconstitution de la version mythique où les costumes m’ont semblé d’un folklore désuet, quoiqu’à l’origine, Nicolas Roerich était plus qu’un dessinateur.
A la MC2, l’autre soir, Sylvaine Van den Esch, en pédagogue passionnée, nous facilitait le travail pour entrevoir quelques versions d’un des marqueurs de la modernité, parmi les 200 qui ont vu le jour depuis près d’un siècle, obsédant les créateurs :
Martha Graham, la pionnière, attendra ses 90 ans pour monter Le Sacre.
La femme n’est plus vue comme un fantôme et dans la guerre des sexes, elle n’est pas forcément vaincue comme dans l’interprétation puissante de Preljocaj en 2001. La femme nue se relève après le viol et affronte le regard des spectateurs.
La terre brune sur le plateau de Pina Bausch figure aussi une vision douloureuse.
Des troupes conséquentes accompagnent la puissance de la musique, mais les collants chez Béjart et les brushings mesurent le temps qui a passé depuis 1959, même si l’érotisme n’en est pas éventé.
Des danseurs ont produit des interprétations en solo :
Le finlandais Tero Sarinen à l’aide de vidéo.
Jérôme Bel, trublion ironique, avec une musique fredonnée donne à réfléchir à un corps qui ne soit ni beau ni guerrier.
En 2007, Xavier Le Roy mime un chef d’orchestre expressif, avec des hauts parleurs sous les sièges des spectateurs.
Raimund Hoghe, a transformé le sacrifice rituel en moment de fraternisation d’un jeune athlète avec un vieil homme, un duo.

samedi 29 octobre 2011

6 mois. Le XXI° siècle en images.

Dans la famille du trimestriel XXI : la version photo avec approfondissement des sujets traités.
350 pages sans publicité deux fois par an, nous avons du temps :
- pour partager la vie de quelques accompagnatrices de vieux en Italie, elles sont un million à venir des pays de l’Europe de l’Est
- de voir le contrechamp d’une photo d’un jeune morte en Haïti, un cliché de Ben Laden souriant,
- suivre une danoise qui va tenter de  sauver une petite népalaise hydrocéphale, après avoir vu sa photo dans un magazine,
- connaître le travail d’un photographe sud africain de 80 ans,
- passer des lumières d’un port de pêche du Ghana à celles du Somerset avec ses gitans,
- pénétrer dans une prison pour drogués en Birmanie et dans les bals des débutantes à New York
- suivre le travail d’une photographe argentine mettant en scène deux jeunes filles; quand l’imagination se déploie loin des studios
- feuilleter les photos de la vie de Poutine et l’album de famille d’un couple en fin de vie, et saisir l’Amérique depuis le train qui emporte le cercueil de Robert Kennedy à Washington… et des images de demoiselles cosaques et du jour où l’Otan entra en guerre à Benghazy.
La thématique principale est consacrée au siècle des femmes.

vendredi 28 octobre 2011

Cramée.

Au sortir de son cours, la prof se crame.
Le ministère de l’éducation nationale venait de mener une campagne publicitaire de recrutement de quelques enseignants pour quelques postes qui n’ont pas été encore dévastés.
Et le ministère de la santé qui n’arrive plus à embaucher des infirmières a fait de même.
Ils ont tout salopé !
Si les professions médicales n’apparaissent plus comme désirables, c’est que notre société est bien malade. Regretter la modestie de la paye des profs pour justifier le tarissement du recrutement ne vaut pas un clou.
Le mal est plus profond : « dans la transmission des valeurs boursières et dans la confusion entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le trader ou le gestionnaire de fortune promis à la légion d’honneur ».
« Burn out » est le terme en vogue, quant à "stress", il mélange les grandes détresses aux contrariétés, voire à des incitations à s’impliquer, à travailler.
Des policiers se suicident, des paysans se pendent, des enfants...
Utopie : la sérénité devrait être la condition évidente pour que l’école fonctionne. Confiance mutuelle entre prof et élèves où un avis au stylo rouge ne serait pas considéré comme un traumatisme, une note comme une arme contondante, où le discernement serait une composante de l’intelligence, comme on disait : vivre en intelligence.
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 27 octobre 2011

11° biennale d’art contemporain. Lyon.

Le titre de cette année « Une terrible beauté est née » peut sembler une gageure tant il est difficile de voir émerger une proposition transcendante parmi les 78 artistes qui participent au rendez-vous.
La déambulation est toujours stimulante parmi les tendances de l’art contemporain avec une prédilection, en cette onzième édition, pour l’Amérique du sud.
A la Sucrière, il faut passer de lourds rideaux de scène avant d’être intrigué d’emblée par une installation derrière une paroi cylindrique énorme dont on découvre le décor depuis l’étage : des livres en abondance visiblement promis à la chaudière dans un décor très dix-neuvième siècle. Cette évocation des ambiances d’antan se retrouve dans les machines à rééduquer de Kotatkova, provenant d’une imprimerie et détournées.
Un homme nu tire inlassablement sur d’immenses élastiques attachés à des piliers.
A côté un vaste bassin se remplit d’une eau rouge et se vide.
Un animal en peluche de Huisman enfermé dans une cage est attendrissant, comme sont tragiques ses oiseaux en boite au MAC.
Un amoncellement d’ordures apparaît derrière un rideau, c’est inspiré de Beckett.
Des contre plaqués percés de trous m’ont laissé indifférent comme les documents et objets évoquant la conquête de l’espace, ou des esquisses et notes de travail en abondance en tous lieux.
Les 55 cercueils pour représenter les 55 états africains sont un peu premier degré.
Aucune vidéo ne m’a convaincu, cette fois encore.
Les espaces urbains De Cornelissen dessinés à la mine de plomb sur un gigantesque panneau m’ont paru proches de l’art brut. Cette intensité se retrouvait dans la multitude de petits calques dessinés au point par point par Schellow au musée d’art contemporain, ou dans les œuvres brodées aux allures d’ex-voto de Bispo de Rosario. Ainsi que dans les 3000 kilomètres de fils qui occupent une grande partie du sol dans un espace immense du musée.
Ce lieu d’exposition est par ailleurs malmené par Serra qui soulève son plancher et Lamothe qui lui écorche les murs.
A l’usine TASE pour l’instant désaffectée à Vaulx en Velin, l’installation au milieu de gravats d’un jardin à la française est spectaculaire et les collégiens qui interviennent en face de plusieurs œuvres apportent une touche d’humour bienvenue.
Des poules, auxquelles des plumes aux couleurs vives ont été ajoutées, voisinent avec un immense poisson à deux têtes dans lequel on peut voir un lit, et des bâtons colorés munis de ventouses étayent un couloir aux verrières encore colorées comme au temps de la défense passive.
Un artiste a recouvert certaines vitres du MAC de peinture noire et nous ne voyons plus dehors.

mercredi 26 octobre 2011

Lisbonne # J3 : Belem. Ajuda.

Nous commençons notre randonnée par le trajet vers la 2ème station de métro proche de notre domicile : Avenida (ligne azul). Cela nous permet d’échauffer nos mollets aux grimpettes et descentes d’aujourd’hui, dans les travessas et les escaliers bordés d’un bâti d’époques différentes. Les numéros dans les rues sont très rapprochés, les appartements se répartissent plutôt en hauteur nous semble-t-il, en duplex, triplex. Des toits avec des mansardes de travers à moitié effondrées coiffent des maisons vétustes encore habitées, comme en témoigne le linge aux fenêtres. A la station de métro, nous domptons la machine à Pass  en rechargeant nos titres de transport et descendons au terminus de la ligne verte à Cais do Sodré. A la sortie, le tram moderne jaune à deux wagonnets n°15 dans lequel nous montons a beaucoup moins de charme que les petits trams, mais il propose un confort supplémentaire et affiche toutes les stations de la ligne visuellement et oralement. Nous descendons à l’arrêt Belem, Nous sommes près du Mosteiro das Géronimos, grande bâtisse blanche qui garde sa porte close aujourd’hui car c’est lundi jour de fermeture ! Nous ne sommes pas les seuls à exprimer notre déception, un italien fait une réflexion sans penser à la réputation des musées de son pays. Nous remplaçons cette visite par celle du musée Bérardo d’où sortent des cohortes bien rangées de petits enfants habillés en uniformes de couleurs différentes. Les monitrices concentrent les jeunes esprits avec des jeux de parcours sur les dalles du parvis. Aucun braillement, aucun désordre, aucune désobéissance. Le musée Bérardo est un musée d’art contemporain, gratuit, dont le donateur a démarré en collectionnant d’abord les timbres et les boîtes d’allumettes en des temps modestes avant de s’attaquer aux œuvres d’art. On y trouve les plus grands : Pollock, Warhol, Gottlieb, César, Arman, Harp, Picasso… Bonne révision aussi des peintres et œuvres vus à Bilbao. Plus de 1000 œuvres sont exposées. Photos à volonté !
A la sortie s’impose le « Padrao dos Descobrimentos » surnommé « poussez pas derrière !» caravelle de béton construite au bord du Tage à la mémoire des explorateurs navigateurs. Au sol, une carte du monde permet de situer les différentes colonies portugaises, l’esplanade est vaste et incite à la photographie des touristes grimaçants posant avec les mêmes gestes et sourires figés. Nos estomacs crient famine et nous nous restaurons dans une pizzeria au bord de l’eau, servis par une gracieuse brésilienne candidate à des études en Allemagne et parlant parfaitement le français. Le vin rosé du pays, très fruité, enchante unanimement nos papilles. Nous décidons de nous promener dans le quartier Ajuda qualifié de populaire par Le Routard. Mais avant nous découvrons la fabrique de Pasteïs de Belem où nous dégustons la spécialité lisboète : un gâteau constitué d’une patte feuilletée très fine fourrée d’une crème, à saupoudrer au choix de cannelle ou de sucre glace. La boutique du XIX° siècle peut accueillir jusqu’à 2000 personnes dans plusieurs salles tapissées d’azulejos bleus et exhibe des objets anciens comme la caisse enregistreuse, de faïences…ça pulse dans la maison et toujours avec le sourire. Nous nous engageons dans la calcada d’Ajuda, après avoir remarqué le palais présidentiel avec ses deux plantons chaudement habillés pour la saison mais qui ne subissent pas les facéties lourdingues des touristes comme leurs confrères à Buckingham Palace. La rue est bordée par un régiment de lanciers d’un côté et d’un manège de chevaux de l’autre. Nous longeons le monumental Palacio National pour redescendre par la rua Guarda Joais où nous souhaitons visiter un « patio » moderne reconstitué dans lequel Le Routard nous signale une fabrique d’azulejos. La réception à l’entrée contacte la fabrique, pour qu’une personne nous guide à travers ce véritable petit village de d’artisans.
Nous passons par une ancienne boulangerie équipée de son four, traversons des couloirs, ressortons dans des coursives extérieures dominant un terrain de tennis et une route et perdons notre guide. Nous la récupérons plus loin dans son atelier adorable, à côté d’un restau présentement désert avec un jardinet de la taille d’un balconnet où poussent des plants de tomates, sous l’œil protecteur d’un Saint Antoine en plâtre. La dame nous fait pénétrer dans le deux pièces où reposent ses calques et ses carreaux et répond aux questions posées. Elle est spécialisée dans les dessins du XVIII° siècle et nous explique en français la technique des son art. J. lui achète un lapin stylisé puis nous tentons de nous repérer vers la sortie. Dans la première courette près de la réception, un kiosque à musique attend le chanteur de fado, des guirlandes en papier donnent un petit air de fête. Il y a aussi derrière une petite chapelle, mais la porte est bien close et puis les gens du patio abandonnent leurs locaux après leur journée de labeur, alors nous ne nous imposons pas plus longtemps et nous reprenons le chemin du retour à pied, en tram historique (18E) et en métro jusqu’au Rato. Pas de musique ni fiesta dans la Travessa do Cego ce soir. Nous répertorions les incontournables visites de Lisboa en nous massant le cuir chevelu avec un engin de la maison diaboliquement agréable.

mardi 25 octobre 2011

Fables amères. Chabouté.

Des tout petits riens qui peuvent être graves comme cette petite fille qui se fait méchamment rabrouer par des parents à qui elle apporte le petit déjeuner au lit. Maladresses, incompréhensions du quotidien, quand la méfiance, l’ignorance nous rendent indifférents, avec des conséquences cruelles. Cette humanité où les seules paroles chaleureuses postées sur internet s’avèrent un leurre, n’a pas des traits engageants et la beauté exceptionnelle de la jeunesse qui passe devant une vieille dame, la blessera.
Des petites nouvelles coupantes, mises en image avec toujours autant d’efficacité par un auteur dont j’ai déjà dit tout le bien que j’en pense dans « Les princesses vont aussi au petit coin » et « Construire un feu » d’après Jack London.

lundi 24 octobre 2011

Restless. Gus Van Sant.

La jeune fille va mourir. Le sujet peut paraître impossible, et sans en avoir l’air, c’est le tour de force de Gus Van Sant de nous rendre fulgurante cette histoire d’amour condamnée. Le pathos est éloigné, le romantisme est remis en selle par des comportements très contemporains. Film délicat et doux. Peu importe que le temps se mesure en minutes, en mois ou en années dans cette cérémonie des adieux. Au cours d’une scène, les deux jeunes miment l’inéluctable fin et c’est très fort. Les images aux couleurs d’outre atlantique, sans apprêt, rendent plus proches les fantômes et nous mettent dans de beaux draps en route vers nulle part.

dimanche 23 octobre 2011

Le recours aux forêts. L’Heure Bleue.

Carolyn Carlson à la chorégraphie et Michel Onfray aux textes : du beau monde.
Le metteur en scène s’appelle Wild et son danseur interprète un retrait du monde qui évoque inévitablement le film dérangeant « Into the Wild ».
« J’ai vécu assez pour en savoir assez.
Aux deux tiers de sa vie si l’on ne sait pas ce que contient le dernier tiers 
C’est qu’on n’a rien appris, 
Donc qu’on n’apprendra jamais,
Donc qu’on n’apprendra plus. » 
J’ai pensé à Jacques Ségala l’homme à la Rolex. Sors de ce corps !
Comme je suis un homme porté à être mono tache, les moyens visuels mis en œuvre pendant cette heure brouillent parfois les mots, pourtant le propos est simple.
Une première partie avec lunettes pour des visions en 3D discrètes.
Toute la sauvagerie des hommes passée présente et à venir scandée par quatre lecteurs avec un décor, type publicité d’Air France : nuages et reflets dans l’eau qui deviendront plus inquiétants quand des branches mortes vont s’y dresser. L’humanité nage dans les larmes.
La deuxième partie c’est le retour à la nature, oserait- on dire, après la culture ?
Le danseur émérite va jusqu’à la nudité sur une surface liquide cette fois colorée par des sachets qui tombent des cintres. Le texte évoque une nature aimable où se fabriquent des poupées avec des coquelicots, mais le danseur parait tellement fragile à chercher des équilibres qu’il n’offre pas vraiment un choix séduisant.
Les moyens déployés contribuent plus à retenir de sombres constats que de douces alternatives où le goût retrouvé des groseilles s’approcheraient plus de Delerm que de la figure revendiquée du rebelle cédant « à la tentation de Démocrite » évoquée par Onfray.
« Je veux simplement en finir avec le commerce de la folie 
De la sottise 
De la bêtise 
De la noirceur des hommes 
De leur méchanceté. 
Je veux passer le restant de mes jours en ma compagnie. 
Seule vraie compagnie: 
Celle de soi… » 
C’était bien joli mais un peu espiègle.
Trop d’images tuent l’image : on dirait du … non !
....
C'est mon 1000° post me dit la machine qui comptabilise aussi une pincée de brouillons.

samedi 22 octobre 2011

Voyages en France. Eric Dupin.

Le sous titre : « la fatigue de la modernité » aurait du inciter la Librairie du Square a ne pas placer ces 378 pages au rayon « voyages » mais dans « les sciences humaines ».
Il est surtout question de femmes et d’hommes rencontrés par l’ancien journaliste de Libération au cours de ses pérégrinations dans l’hexagone où « l’ennui provincial n’est plus ce qu’il était ».
Les paysages ont beau avoir tendance à se fermer sous les résineux grignotant les champs, leur diversité fait le charme de notre vieux pays.
C’est aussi la fracture sociale sous le nez de cet ostréiculteur :  
« On s’appauvrit de plus en plus alors que les ports sont pleins de gros yachts qui valent un prix pas possible ! Il y a de quoi être écœuré. Toi tu bosses toute ta vie et tu as même du mal à payer le bateau qui te sert à travailler ».
Ailleurs une association de producteurs de lait cite marcel Aymé :
« L’injustice sociale est une évidence si familière, elle est d’une constitution si robuste, qu’elle parait facilement naturelle à ceux qui en sont victimes ».
La politique est la trame de tout le livre, vivant des alternatives dans les Cévennes bien sûr, mais aussi en Puisaye ou dans le Tarn, variante d’une somme de bonnes volontés cherchant le progrès humain.
Cycliste en Normandie, l’auteur, s’est éloigné des grandes villes. Il a pourtant marché par exemple à Lille ou dans les centres clonés des agglomérations moyennes ; il a pris le temps de l’écoute dans les zones périurbaines ou profondément rurales avec un avenir se cherchant du côté du tourisme. Là se panse peut être le manque de temps dont se plaignent beaucoup de nos compatriotes.
Dans un dernier chapitre sont rassemblés des éléments recueillis tout au long de rencontres sympathiques, évoquant un « exode urbain » avec quelques observations justes :  
« …notre société dépense infiniment plus d’efforts et d’argent à la santé physique qu’à la santé mentale. On s’acharne à sauver le corps de vieillards, parfois au-delà du bon sens, et on laisse se dérégler l’esprit de tant de jeunes. »
Rappels limpides d’une réalité tellement familière qu’elle échappe parfois derrière les écrans qui nous enserrent. Et prise de recul du journaliste qui réhabilite pas sa modestie une profession dont on ne voit que trop souvent l’arrogance et le dilettantisme.

vendredi 21 octobre 2011

« Barnave n’était pas un amoureux transi. »

Robert Chagny donnait conférence à Saint Egrève sur le grand homme de la ville, né il y a 250 ans :
« Antoine Barnave : biographie et représentations ».
Pourquoi l’avocat guillotiné à 32 ans a-t-il conservé cette notoriété ?
La prétendue liaison amoureuse du héros stendhalien avec Marie Antoinette en constituait un des ingrédients essentiels, beaucoup plus que ses écrits pourtant traduits en chinois et redécouverts par Jean Jaurès :
« Introduction à la révolution française ».
Son approche théorique annoncerait Marx puisqu’il pointe l’évolution des forces productives. La révolution marque le passage d’une économie agricole gérée par un pouvoir féodal à une économie dans laquelle l’industrie et le commerce prennent toute leur place avec la bourgeoisie aux manettes.
Les légitimistes au XIX° l’ont utilisé comme témoin de la révolution « qui dévore ses enfants » et les Orléanistes se sont identifiés à lui : en mouvement au départ, puis résistant aux réformes ensuite.
Alexandre Debelle, le voisin de Voreppe, par son tableau représentant l’assemblée de Vizille qui trône à présent au conseil général de l’Isère, a mis en valeur le brillant orateur des Alpes :  
« Monts sacrés d'où la France vit naître le soleil avec la liberté. »André Chénier.
La jeunesse des acteurs de la révolution m’impressionne une fois encore.
De famille protestante, Antoine accède à 20 ans à la charge d’avocat à la suite de son père.
Sa mère Marie-Louise de Pré de Seigle de Presle, fera partie de son réseau d’informateurs qui relie le constituant à sa province.
Il acquiert une connaissance des réalités économiques et peut éloigner les critiques à l’égard d’un penseur qui serait resté bloqué à l’étage métaphysique.
Quand il s’agit de « consommer la révolution », il fut plus que le lieutenant impétueux d’un Mounier grave et profond. Il pousse à une transformation des institutions, à une réforme des municipalités et l’emporte sur le futur préfet de Napoléon qui ne tenait pas à l’amoindrissement des pouvoirs du roi.
Le rédacteur de libelles déterminants tels l’Esprit des Édits dès 1788 en défense du Parlement de Grenoble, devra subir des coups violents : « monstre parfait à l’éloquence de Caligula ».
Il avait tenté d’éloigner l’émotion dans les débats qui suivirent un lynchage :
« Messieurs, on veut vous attendrir en faveur du sang versé hier à Paris. 
Ce sang était-il donc si pur ? »
Lui, le fondateur du club des Jacobins s’en trouvera exclu, et le club des Feuillants qu’il va créer n’aura qu’une brève existence. Il ne souhaitera pas cumuler son mandat de maire de Grenoble avec sa place à la constituante dont il sera président pour 15 jours comme il était d’usage.
S’il avait pressenti que la vente des biens du clergé attacherait les nouveaux propriétaires à la révolution, il a perdu de sa popularité quand au comité des colonies il s’opposera à l'égalité des colons blancs avec les hommes de couleur libres, il n’était même pas question des esclaves ( 60 000 à Saint Domingue) :
« le nègre ne peut croire qu'il est l'égal du blanc »
Depuis le retour de Varennes dans le « corbillard de la monarchie » et ses conseils politiques à la reine, par personne interposée, il ira à l’encontre d’une opinion qui prend conscience de la trahison du roi, quand nait le sentiment républicain.
Lui, qui savait qu’ « une révolution doit finir », va affronter courageusement sa propre fin.
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Dessin de Sempé

jeudi 20 octobre 2011

La peinture « Pompier »

A travers l’histoire de l’Ecole des Beaux Arts de Paris et la tradition des prix de Rome, Gilbert Croué revient en deuxième semaine, présenter aux amis du musée, des peintres qui connurent la gloire au XIX° siècle et l’oubli au XX°.
Il ne fait qu’évoquer Gérôme dont il présenta le travail récemment ; le chef de file des orientalistes fut un membre émérite des « académistes ».
Académiciens pour la plupart, dont les casques brillent comme ceux des soldats du feu, figés dans les références antiques d’un Pompéi sous les cendres, voire pompeux parfois : les « pompiers ». La pompe et les ors pour une peinture finie.
Le dessin est la base de tous les enseignements à l’Ecole des Beaux arts de Paris avec l’anatomie, la perspective, l’histoire. C’est là qu’étaient choisis, jusqu’en 1968, les lauréats du prix de Rome qui pouvaient bénéficier d’un séjour de trois ans dans la ville mère des arts.
Chaque candidat avait une centaine de jours pour réaliser dans sa loge « La mort de Thimophane » ou « Thémistocle au Pays d'Adméte » : bien que tant de grecs et de cadavres commençaient à sérieusement lasser au sein même de l’école.
Il fallut attendre 1925 pour que la première femme obtienne le prix convoité qui ouvre les portes des salons, et les commandes de l’état.
Les ateliers sont gérés par « les massiers » ainsi que la rémunération des professeurs et des modèles. Ils organisaient aussi Les Bals des Quat'zarts. Mythique moment de réjouissance dont les thèmes : « Enlèvement des Sabines », « Orgies romaines, « Entrée des barbares dans Rome » respectent la tradition antique et permettent de développer la créativité des étudiants rejoints par les carabins avec lesquels ils partageaient les cours d’anatomie qui invitaient à quelques blagues macabres.
Le style « pompier » projette les gestes emphatiques des héros anciens dans les périodes révolutionnaires et impériales.
Jean Louis Ernest Meissonnier : «Le siège de Paris » et ses sujets militaires, ses peintures animalières remarquables est cité par Dali comme un peintre éminent, est-ce de la dérision ?  
Charles François Jalabert: « Les nymphes écoutant le chant d’Orphée »sont mignonnes.  
Evariste Luminais : « La fuite du roi Gradlon », se consacre à des sujets mérovingiens
et Laurens Jean Paul : « L'Excommunication de Robert le Pieux », retourne au moyen âge.  
Alexandre Cabanel cite Le Tintoret, Michel Ange, Raphaël, il a formé douze prix de Rome, et a peint, entre autres portraits à succès, une magnifique« Albaydé » dont Hugo disait :  
« Car elle avait quinze ans, un sourire ingénu, 
Et m'aimait sans mélange, 
Et quand elle croisait ses bras sur son sein nu, 
On croyait voir un ange ! »
Sur les 12 000 tableaux présentés aux salons, 5 à 7000 étaient retenus dont un tiers de nus féminins aux lueurs plâtreuses, ce qui n’est pas le cas de la « naissance de Vénus » de William Bouguereau, un maître du genre érotico kitch dont les sujets mythologiques sont un bon prétexte pour dévêtir les modèles.  
« Charlotte Corday » pose en héroïne dans le tableau de Paul Baudry.  
Léon Bonnat, le bayonnais a peint les hommes célèbres du XIX° et son « Job » ni trop vrai, ni trop faux est resté dans le patrimoine de nos rétines ;  
Carolus-Duran (Charles Durand), portraitiste mondain, fit cependant scandale avec une « femme au gant » qu’elle venait de laisser choir.
La frontière est ténue entre chef d’œuvre mièvre et croûte séduisante.
« La leçon de catéchisme » et les scènes campagnardes de Jules Alexis Muenin peuvent se rapprocher de Courbet, alors que « mère et fille au jardin » d’Édouard Debat - Ponsan sont baignées de lumières impressionnistes. Lui qui signa « une Vérité sortant du puits » empêchée par un spadassin et un ecclésiastique, évoquant l’affaire Dreyfus, fut acquis par la famille Debré (« L’entonnoir ») pour figurer en bonne place dans la mairie d’Amboise.

mercredi 19 octobre 2011

Lisbonne# J2. Tram historique dans l’Alfama et Graça.

Nous quittons les lieux silencieux après une nuit musicale vers 9h15, à pieds dans les rues traîtres car très pentues, dont la déclivité n’apparaît pas sur le cartoville. Nous hésitons entre marcher sur la route ou sur les trottoirs toujours recouverts de petits pavés inégaux. A la sortie de la casa, Michèle tombe sur un billet de 5 euros : hier elle avait ramassé déjà une piécette de quelques centimes. Bons augures…
Nous nous acheminons vers le Jardim da Estrela (jardin de l’étoile) par la rue Amaro. Celle-ci découragerait le plus aventureux des cyclistes à cause du pourcentage impressionnant de la pente. Le jardin est agréable, il a son aire de jeux pour les enfants, sa mare avec cygne noir et canards et des installations sportives pour lutter contre l’ostéoporose, vélo, poignets pour étirement, moulinet pour les muscles des bras…. Nous visitons la Basilica Estrela, très mexicaine de l’extérieur mais sans grand intérêt à l’intérieur. Une vieille dame nous indique le musée Fernando Pessoa. Mais la dernière demeure du poète dont la façade affiche quelques uns des vers n’ouvre pas le dimanche. Nous nous replions sur le cimetière anglais, que nous contournons avant d’en trouver l’entrée. Des croix celtes, des tombes de différentes époques s’amassent autour d’une église anglicane, dans le respect du panneau « sans fleur artificielle ». Le lieu appartient visiblement à une multitude de chats qui en ont fait leur royaume. Nous remontons l’avenue Alvares Cabral afin de prendre le métro à la station Rato. Nous bataillons un moment devant les machines tactiles pour obtenir pass et billets ; plusieurs personnes nous aident à parvenir à nos fins (17€80 les 4 pass pour la journée dont 0,50€ pour chaque carte valable un an et à recharger quand elle est épuisée). Le métro est flambant neuf, ses lignes se repèrent à leur couleur. Nous empruntons d’abord la bleue (Azul) puis la verte pour la correspondance et ressortons à la station Martin Moniz. Nous repérons rapidement devant l’hôtel Mondial l’arrêt du tram n°28, recommandé par le routard pour son trajet pittoresque à travers l’Alfama et Graça. Nous prenons notre tour dans la queue calme et disciplinée et apprécions la réputation des portugais qui détestent la resquille.
Nous nous installons dans la vieille voiture en bois bringuebalante pleine de charme désuet, côté gauche pour profiter au mieux de la vue. Les fenêtres ouvertes laissent pénétrer l’air léger. Nous grimpons péniblement des rues, en descendons d’autres juste assez larges pour le passage du tram, piétons plaqués contre les murs. Des à coups, des avertissements sonores entre cloche et scie sauteuse rythment le voyage cahotant jusqu’au terminus, au Cemiterio dos Prazeres. Nous remontons illico dans le tram 28 à contre sens pour chercher un restaurant vers le belvédère de santa Luzia. Nous nous repérons plutôt bien pendant le trajet mais pas besoin d’appuyer sur le bouton « parar » pour stopper l’antique voiture, car beaucoup de monde descend à cet endroit. Le point de vue panoramique sur le Tage (Teja) et sur la ville vaut la peine malgré le mendiant éclopé qui nous sollicite et le sénégalais décidé à nous « donner » un cadeau et « vexé » de notre refus. Nous cherchons un restaurant à l’adresse « beco (passage) Esperito Santo » en descendant dans un quartier de petites maisons blanches serrées. Des décorations, des guirlandes et autres ornements en papiers colorés témoignent de fêtes de quartier sur les placettes populaires. Les façades supportent des objets insolites, comme cette jambe de mannequin servant de pot de fleur ou ce baigneur faisant un doigt voisinant avec des représentations de Saint Antoine (= moine qui porte une enfant).
Arrivés à la bonne adresse, le restau signalé par le routard est bondé. Les gens se régalent à de longues tables communes dressées à l’extérieur, assis et serrés sur des bancs. Nous nous rabattons un peu plus haut et nous installons sous des parasols Praça Sao Miguel où nous nous restaurons de bacalhau, calamar, daurade, arrosés de deux bières chacun. Un sénégalais italien, frère francophone, parvient à nous vendre deux bracelets. Le temps pris pour la cuisson de cette cuisine familiale dépasse celui des plats décongelés et réchauffés au micro ondes, et il est presque 16h à la fin du repas. Nous remontons vers la route principale et grimpons vers le Castelo de Sao Jorge (7 € l’entrée). Il nous offre une belle vue surplombant la ville et le Tage. Nous flânons sur les remparts restaurés, au son d’une guitare habile et amplifiée juste comme il faut. Dans l’enceinte, un paon à la queue aussi encombrante qu’une traîne de mariée exhibe ses couleurs et sa crête de bonne grâce et surveille ses femelles et sa progéniture. Nous retournons une dernière fois au point de vue près de Santa Luzia derrière l’église, au lieu dit « Portas del sol », profiter dans un petit jardin du soleil déclinant sur le Tage. Nous retrouvons le chemin de la maison sans risque de nous tromper de rue, bruit et musique nous guident depuis la place aux fleurs. Mais des fenêtres du gite, nos gestes de sioux sont bien compris et les décibels diminuent.

mardi 18 octobre 2011

Pierre qui roule. Lax. Donald Westlake.

Dans la collection rivages/ noir chez Casterman, Lax, dessinateur réaliste aux atmosphères brumeuses réussit bien l’adaptation d’un polar américain rythmé, à l’humour noir comme il se doit.
Un cambrioleur inventif mais malchanceux va être contraint avec sa bande de « bras cassés » de forcer la sécurité d’un musée où trône une émeraude énorme, puis carrément un commissariat, la salle des coffres d’une banque, et un asile de fous bien gardé. Chaque fois, leurs plans "géniaux" échouent, ils sont contraints à l’inventivité et à des procédés de plus en plus spectaculaires jusqu’à une locomotive pour accéder à leur cible qui fuit sans cesse. Pierre qui roule.
Bien que le lettrage rende le texte inconfortable à lire, avec un arrière plan politique quelque peu caricatural, le scénario est simple et enlevé. Certes oubliable mais un moment agréable.

lundi 17 octobre 2011

Et maintenant on va où ? Nadine Labaki

La belle actrice-réalisatrice de Caramel a de l’ambition avec ce film qui traite agréablement du conflit religieux en terre libanaise, voire au delà.
Elle mêle les genres : conte musical, comédie, tragédie, des portraits pittoresques et des échappées poétiques grâce à de belles images.
Les hommes sont décidément benêts, hormis les chefs religieux qui eux ne sont pas des extrémistes, et les femmes sont tellement jolies et futées. C'est  également réjouissant de voir une voilée sortant de sa cache alors que celle qui ne jurait que par la vierge adopte Allah.
Bien que le message premier : « ce n’est pas bien de faire la guerre » soit éculé, des scènes à foison sont bien trouvées et l’humour fait parfois pardonner un simplisme inopérant.
Une des leçons annexe de ce moment plaisant pourrait être : « pour vivre heureux vivons en ignorant les nouvelles d’ailleurs », ce qui gène un peu le dévoreur de journaux.
Je me retrouve dans la même situation que lors du succès de « Good bye Lénine » basé d’après moi sur le mensonge, qui m’avait mis en minorité auprès de tous ceux qui s’étaient régalé.

dimanche 16 octobre 2011

Le sacre du printemps. J. C. Gallotta.

Ravi. Le souffle coupé.
Rien qu’après cette heure magique, je sais déjà que la saison culturelle 2011-2012 sera réussie.
Il est des moments où je ne sais voir les intentions d’un auteur au moment de leur représentation.
Eh bien ce soir, j’ai tout aimé : une « Elue » dans le prologue dont la multiplication pourrait faire penser aux primaires socialistes.
La puissante musique vieille d’un siècle est un sommet que nous fait atteindre notre chorégraphe maison qui peut se permettre de tutoyer Igor Stravinsky tant il se sait fragile ; audacieux et modeste.
Des chemises comme des ailes d’oiseau, une sensualité furtive mais puissante et toujours le galop Gallotta, ses gestes que j’ai plaisir à retrouver où la maladresse touche la légèreté ;
moi le danseur coincé du paturon, j’avais des envies d’entrechats à la sortie.

samedi 15 octobre 2011

Traverses. Jean Rollin.

De « l’Hôtel de la Marne » à Tarbes jusqu’à l’hôtel « Alizé » rue Paradis à Marseille, l’écrivain cherche et trouve l’ennui au cours d’une errance en France, arrosée de pluie et d’alcool. Il ne cesse d’accabler son désenchantement, et pourtant nous le suivons.  
« En face de l’hôtel de ville, le monument à Danton et à la levée en masse est couvert de graffitis « Nique la police » et plusieurs personnages du groupe sculpté, à commencer par Barra, le petit tambour, ont été amputés de leurs mains ou de leurs bras. »
Que dire de plus pour décrire un pays harassé, arasé ?
En passant par la Lorraine des friches industrielles et du parc Walibi-Schtroumpf, au Creusot, les mémoires se vident.
L’ancien mao est toujours d’une sincérité rassurante, d’une précision décapante.
« Ici mes notes reprennent, et, contrairement à ce qui s’est passé avec l’épisode du train, tombé dans un trou noir, je dispose au sujet des suivants [ les épisodes] d’une multitude d’informations très précises bien que d’un intérêt discutable. »
L’humour est désabusé, le livre s’avale comme un alcool de poire qu'on apprécie si parfumé, si fort, et pourtant on sait qu’il vous ruine la santé.

vendredi 14 octobre 2011

Avant- avant- dernier tour.

J’ai finalement accompli mon devoir de citoyen dimanche, faisant mon deuil d’une prérogative du parti - dont je suis parti- à choisir son champion.
Au moment où Julliard et Ronsanvalon signent la fin de la gauche dite américaine, nous voilà dans des jeux politiques à l’américaine. Moi qui me suis complu naguère dans la déploration devant un recul de la politique, cette mobilisation populaire m’a pris à contre-pied, et impressionné. En appelant depuis toujours à un idéal de démocratie participative, je ne peux faire la fine bouche face à l’engouement de millions de personnes. Un des mérites annexe de cette primaire est de révéler encore plus l’inanité des arguments de la droite. Lorsque j’entends Coppé, j’ai des envies de Poutou (NPA).
Si le PS a montré à ses concurrents sa puissance logistique, cette avancée démocratique ne doit pas contribuer à trop asseoir des certitudes dans une gauche qui n’a rien de plus déplaisant que sa conviction d’être le parti de la vérité.
Bon signe : on a moins parlé des journalistes dans les sages confrontations que des protagonistes de la compétition et pourquoi crier à la violence, quand s’exprime un large éventail d’opinions qui permettent de sortir des caricatures. Il est des voix diverses pour penser que l’insécurité n’est pas qu’un vague sentiment, que la BNP n’est pas l’ami Ricoré, que demain on ne rase pas forcément gratis…
Faites moi signe quand à tous les niveaux, cette diversité pourra s’exprimer, quand des primaires pour les élections locales seront organisées avec la même rigueur.  
« Gauche molle » n’est pas forcément un défaut dans un monde en mouvement; la gauche quand elle était Mollétiste, était certes ferme dans le vocabulaire mais bien discutable dans ses actes.
Lors du dernier débat télévisé, Aubry a paru essentiellement dans l’opposition même à l’égard d’un camarade, à interrompre, à ergoter. Elle risquerait de maintenir la gauche toute entière dans cette condition si c’est elle- pour qui DSK a voté- qui est en position d’affronter le président à sortir.
Je m’en voudrais de persister dans mon vote à réaction du premier tour contre les caciques qui auraient été plus volontiers portés à soutenir Hollande.
Dans l'ultime confrontation en 2012, de toute façon, les partisans de la gauche de la gauche ne pourront voter à droite, il est indispensable de gagner côté centriste et là, François Hollande est mieux perçu.
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dans le Canard de cette semaine:

jeudi 13 octobre 2011

Jean Léon Gérôme. L’orientalisme.

Pour être à la mode au XXI° siècle, il convient de revenir vers ceux qui tenaient le haut des cimaises au XIX° siècle et connurent l’opprobre au XX° siècle. Aux « Amis du musée », Gilbert Croué, le conférencier, nous met dans le coût. Les valeurs changent : un tableau de Gérôme se négocie désormais aux Etats-Unis, un million de dollars.
De Verdi (Aïda) à Hugo, Nerval, Byron, l’engouement pour l’ailleurs, l’infini des déserts et les femmes rassemblées dans un harem (qui signifie : interdit) toucha toutes les formes d’expression. Chercher la nudité derrière les murs les plus épais, la liberté au cœur des sociétés les plus corsetées. Dès le XVII°, « être ottoman, c’était être autre », alors le regard d’un persan éclaira notre monde sous la plume de Montesquieu, et des « Enlèvements au sérail » depuis « la Sublime Porte » se jouaient près de chez nous. Constantinople sur les rives du Bosphore était pittoresque quand l’Orient commençait en Grèce. L’expédition en Egypte de Bonaparte embarqua bien des scientifiques, elle annonçait des emprises futures. Le mobilier empire emprunta amplement à l’esthétique du pays des pharaons. Puis vint la conquête de l’Algérie : le tableau représentant « La prise de la smala d’Abd el Kader »par Horace Vernet mesure 21m de long. Désormais à portée de bateau à vapeur, des gens fortunés purent réchauffer leurs images de l’antiquité: femmes à la fontaine et sages bergers. Delacroix, Ingres, Matisse remplirent leurs carnets de croquis et leurs palettes prirent le soleil.  
Gérôme Jean Léon (1824-1904), originaire de Vesoul, bachelier à 16 ans, devint l’élève de Paul Delaroche (« Le supplice de Jane Grey ») à Paris. Devenu académicien, chef de file du courant orientaliste, il s’opposa aux impressionnistes bien qu’il fût le condisciple de Renoir à l’époque de ses apprentissages. Ses casques de gladiateurs brillants lui valurent de figurer comme membre éminent parmi les peintres « pompiers », après avoir été étiqueté comme "pompéiste". A ses débuts à l’école dite des « néo grecs » il fait valoir sa maîtrise de peintre animalier avec sa représentation d’un « Combat de coqs ». Bien que le portrait de « Mademoiselle Durand » qu’il rêvait de tenir dans ses bras lui restât sur les bras, pendant soixante ans ses talents vont être sollicités. La précision de son dessin, ses recherches documentaires scrupuleuses, son mariage avec la fille d’un marchand d’art lui valurent les honneurs de fin de siècle jusqu’au regain d’intérêt en 2010 quand Orsay lui consacra une rétrospective. Dans les vieux dictionnaires il était à l’honneur pour représenter des moments historiques, et de scènes antiques, sans poils sous les bras. Il utilisa la photogravure pour une diffusion large de ses productions.
Le dévoilement de « Phryné devant l’aréopage » dans sa théâtralité annonce dit-on les péplums à venir. Sous le baiser de Pygmalion, Galathée ne reste pas de marbre. Egalement sculpteur méticuleux, il se représenta sur ses toiles où sont rendues avec une précision impressionnante, les nuances des matières, des textures, les harmonies subtiles des couleurs. Nourri par les photographies de Bartholdi avec qui il partit en expédition, ses témoignages sont aimables : celui qui « foule la paille » ou qui achète « une bride », « le marchand de peaux », et ceux qui font commerce de « chevaux », « L’allumeuse de narguilé », et forte « La mort d’un cheval »
Les carreaux brillent dans les bains maures, les moucharabiehs découpent la lumière comme des dentelles et les lumières sommitales inhabituelles des hammams rendent plus évidentes ses réussites quand elles proviennent d’au-delà de la Méditerranée.

mercredi 12 octobre 2011

Porto le matin, Lisbonne le soir.

En étant en avance d’une heure au petit déjeuner, nous apprenons que le Portugal ne vit pas à l’heure d’été. Nous allons faire un tour dans le fog de Porto. Nous remarquons des petites coupoles sur les toits, certaines très jolies et pittoresques, aspirant la lumière dans les maisons et de nombreuses façades traditionnelles recouvertes d’azulejos variés, représentant parfois des saynètes du XVIII° siècle, mais aussi un nombre impressionnant de verres et bouteilles de bières abandonnés dans les caniveaux et sur les trottoirs par les fêtards du vendredi soir. 
Nous traversons des quartiers assez délabrés, avec des boutiques attestant d’une histoire qui a connu de meilleurs jours. Le cordonnier, le coiffeur attendent dans un décor charmant d’autrefois pour offrir des services qui se perdent.
La pluie s’installe, nous accompagne lorsque nous traversons le pont du métro qui a mis à mal les maisons de vieux quartiers aux escaliers pleins de charme conduisant au fleuve. Sur l’autre rive, le modernisme s’inscrit dans le paysage avec son téléphérique. Le long des quais bien aménagés s’alignent des caves à vin, des barques anciennes de démonstration remplies de barriques semblent attendre le marinier chargé de manier l’énorme rame à l’arrière depuis une estrade en hauteur. Nous quittons Porto vers 11h30 heure locale et prenons la direction de Lisboa sous la pluie. Il y a 320 km à effectuer sur autoroute, sous des nuages noirs gris blancs puis des portions de ciel bleu qui s’agrandissent au fur et à mesure. Le soleil brille lorsque nous tournicotons dans Lisboa jusqu’à la Place aux fleurs au croisement de la rue Marco Portugal. Heureusement notre logeuse Ana est connue dans le quartier car nous ne disposions pas de numéro de rue pour notre gite. Une musique éclatante s’échappe d’un rez-de-chaussée, fenêtre et porte ouvertes sur la rue. Notre avenante propriétaire fait baisser le son dont profitait tout le quartier et nous pénétrons dans une maison rénovée située juste en face des fêtards. « Sinon le quartier est calme ». Nous garons la voiture pour la semaine dans la maison, et la porte se referme automatiquement derrière nous. Ana nous fait visiter les trois niveaux de l’appartement abrité du soleil par des volets intérieurs en bois blanc assortis aux murs. Il n’est que 18h, le ciel bleu nous invite à une première visite de la capitale, ou du moins du quartier. Nous empruntons nos premières rues en pente aux jolis noms : rua des Palmiers, rua do Jasmin pour déboucher ensuite sur une place ombragée par d’énormes caoutchoucs, la Praça do Principe Real, occupée au centre par un bassin et un restaurant abrité sous une véranda dont l’ambiance rappelle celle de jardins parisiens, du Luxembourg ou des Tuileries.
Nous nous dirigeons vers le jardin botanique situé dans les murs de la faculté des sciences, point de départ de la révolution des œillets. Nous nous acquittons du droit d’entrée d’un euro par personne auprès du gardien. La flore est luxuriante, les arbres se disputent le droit à la lumière. Le parc dégage un charme d’autrefois, où les bâtiments astronomiques style début du XXème siècle se délitent peu à peu, voués à l’abandon. Nous sommes seuls à déambuler parmi les essences rapportées et amassées par des jardiniers aventureux célébrés par des statues. Nous ressortons de la faculté par une allée de palmiers royaux et reprenons le chemin montant et descendant vers notre nouvelle maison. La fête des voisins bat son plein, débordant dans la rue. Une jeunesse métissée, danse, boit, crie, s’embrasse sur fond de musique retentissante: c’est l’été.

mardi 11 octobre 2011

La vie est belle malgré tout. Seth.

A la recherche d’un obscur auteur de BD, le narrateur nous promène à la recherche de lui-même.
Le monde de la B.D. est un univers bienveillant pour les tempéraments mélancoliques avec sa part irrésistiblement liée à l’enfance.
La ligne est claire pour un propos qui s’interroge sur le sens de la vie :
la famille, les femmes, l’intransigeance, l’amitié, la mémoire, la trace que nous laissons…
Les dialogues qui cherchent l’authenticité respirent avec des plages de silence très graphiques.  
- Ma leçon de la vie, c’est qu’il y a deux sortes de gens. Les bons enfoirés et les mauvais enfoirés. Ce que je veux dire, c’est que nous devons tous vivre avec nos traumatismes. Certaines personnes s‘enfoncent elles mêmes à cause de ça, mais d’autres y puisent des forces. 
- Ben... 
J’avais beaucoup aimé son bel album: « George Sprott, 1894-1975 » et une fois encore le dessinateur canadien, dont le vrai nom est Gregory Gallant, touche au cœur.

lundi 10 octobre 2011

The social network. David Fincher

Comment est né « Facebook » ?
De la notation des filles les plus canons, vieille comme la frustration des potaches ; l’attractivité du jeu est démultipliée par Internet.
Le film est consacré essentiellement à la controverse par avocats interposés pour savoir qui est propriétaire de l’idée au service désormais de 500 millions d’utilisateurs. Ces jeunes surdoués des écrans ne cessent de viser la réussite.
Si la vitesse donne l’illusion de l’intensité, cette quête me semble payée par la désinvolture, des rapports humains impitoyables, des trahisons, la solitude. Le fric, l’ivresse, le froid.
J’ai eu du mal à suivre le débit des paroles du jeune Zuckerberg, et les réactions des protagonistes m’ont semblées étranges.
Comment peut-on se faire autant d’argent avec ce type d’invention ?
Je m’applique, et je me suis accroché pendant deux heures : la presse unanime avait aimé, alors il fallait bien voir ce film pour essayer de ne pas décrocher tout à fait d’un monde qui va si vite ; mais je me suis senti d’un autre pays, d’un autre temps.
Bon allez, je vais voir où en est mon mur sur « Facebook ».

dimanche 9 octobre 2011

Ivanov. Tchekhov. Osinski.

C’était écrit dans le dépliant explicatif de la MC2 qu’il s’agissait de la première mouture du texte du dramaturge russe: la version comédie.
A vrai dire, les rires sont rares dans la salle.
L’histoire de ce veuf pour le moins mélancolique, on dirait dépressif aujourd’hui, qui meurt le jour de son remariage, n’impose pas vraiment une couleur différente du gris du décor, par ailleurs très élégant.
La distance entre les hautes aspirations grandiloquentes des uns et des autres et leurs impuissances affolées peuvent prêter à sourire celui qui ne se reconnaitrait pas dans ces pantins plus pathétiques que drolatiques.
La phtisie frappe et les souffrances ne sont pas seulement physiques, les problèmes d’argent brouillent toute relation, la culpabilité et l’impuissance règnent malgré l’intelligence et la lucidité des personnages, l’antisémitisme est naturel chez ces gens là.
Tout s’effondre, les feux bien nommés étaient d’artifice.
Ne sommes nous pas en pleine tragédie qui est une soumission au destin ?  
« A quoi bon expliquer quoi que ce soit au public? Il faut l'effrayer et c'est tout. Il sera alors intéressé et se mettra à réfléchir. » Tchekhov
Et un toast à la vodka pour les auteurs russes !
Nos avis étaient partagés sur les performances des acteurs, mais si un personnage apparaît comme antipathique ce peut bien être une réussite ; en tous cas nos avons plébiscité celui qui joue Pavel, le vieux beau père soumis.

samedi 8 octobre 2011

Grands reporters. Prix Albert Londres de 1950 à aujourd’hui.

Lire par petites goulées ces 100 reportages qui tiennent 640 pages auxquelles ont contribué Lartéguy, Guillebaud, Chabalier, Kravetz, Chalandon, Rollin, Guetta, Cojean, Saint Exupéry et Armand Gatti entre autres. Des pointures à l’écriture intense.
Révision utile de temps révolus quand la guerre était en Corée où un camp du drap d’or se dressait en Iran, mais une civilisation qui disparaissait dans le Nord de la Russie en préfigurait tant d’autres.
Et tant de plaies perdurent : Amouroux titrait en ce qui concerne Israël :
« La paix n’est pas pour demain ».
De Luang Prabang à New York, Belfast, Bali, Caracas, Grozny… En tous sens.
Chez Mugabe ou « El Chapo », narco mexicain qui figure derrière Bill Gates comme personne influente du monde mais devant Sarkozy.
Barricades à Alger dans les années 60, rizières sanglantes et chars à Prague,
en 70 on savait que le Tibesti était au Tchad,
en 80 : Liban, Afghanistan, Kurdes en 90 avec le Rwanda, la Bosnie, et le FN,
2000 à Karachi et des jeunes Moldaves en Italie, l’Irak et le modèle Finlandais.
La description d’un hospice à Lille dans les années 80 traverse le temps, et une plongée chez les fous nous étreint.
Le récit d’un rescapé du goulag me restera en mémoire : « un jour, dans la toundra glacée, marchant dans une colonne de prisonniers, il aperçoit un corps mutilé qui gît. C’est « une vache ».Le terme désigne, dans le jargon du Goulag, un jeune détenu naïf, entrainé dans une évasion par un groupe d’anciens qui le tuent ensuite pour s’alimenter. Le cadavre sert de réserve de nourriture. »

vendredi 7 octobre 2011

Pierre Rhabi au CRDP

 
Cinéduc a invité en lever de rideau de sa prochaine biennale consacrée aux utopies le paysan « philosophe » auteur de "l'insurrection des consciences". Il était vraiment à sa place. 
Et les 400 places du CRDP n’ont pas suffi pour asseoir tous ceux qui attendaient les paroles du pape de la sobriété heureuse. J’ai préféré aller écouter ce précurseur de la décroissance plutôt que suivre le spectacle télé de la primaire, car le pionnier du bio touche à la fois au cœur des enjeux pour la planète et des pratiques individuelles, le global et le local. Les péripéties politiciennes tombent alors en poussière. 
Mais pourquoi dire : « il est sur un autre terrain » quand il s’agit de se changer soi même pour prétendre changer le monde. 
Comment ne pas être d’accord avec le conférencier ? 
Tant les portes qu’il franchit sont déjà largement ouvertes. 
Comment pousser encore à une croissance infinie dans un monde limité, perçu non comme une offrande mais comme un gisement où s’installent champ de batailles, casinos et hypermarchés ?
L’homme a des aptitudes qui ne le sauvent pas de l’imbécillité et il ne sait pas toujours « qu’il ne sait pas ».
De surcroit : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » 
L’argent qui permet l’échange, est devenu la valeur absolue, il participe à une économie du pillage. 
Les excès des richesses extérieures s’installent au détriment de la recherche intérieure pourtant l’insatiabilité permanente ne peut engendrer de satisfaction. Et la consommation ne remplit pas le vide des vies. 
Dans la conscience de faire partie d’une même famille à l’échelle du monde, il convient donc de cultiver son jardin. Oui. 
Humus, humidité, humanité. 
La fable du colibri qui apporte une goutte d’eau pour lutter contre l’incendie de la forêt est belle et juste, surtout quand le petit oiseau répond au tatou qui se moque de lui : 
« je fais ma part ». 
Et si l’Ardéchois, depuis son oasis, exhorte les religieux à être au premier rang pour défendre la beauté du monde, il sait bien que les hommes verront plus une promesse de bûches dans l’arbre qui se découpe magnifiquement sur fond de soleil couchant qu’une chance inestimable de goûter à ce moment sublime. 
Le souci constant de rapprocher les actes des paroles m’est familier, mais j’ai les canines qui s’agacent quand des louches de miel viennent accroitre le taux de sucre d’une vision du monde quelque peu simpliste.
La vie c’est mieux que la mort. 
Les disparités sont abyssales. 
Nous passons du bahut à la boîte en roulant dans nos caisses : le rappel de cette chanson mignonne des années 60 « sont des boites, petites boites » est bien agréable mais j’ai beau trop abuser des jeux avec les mots, je me lasse parfois des vieilles marmites, quand la terre est appelée mère trop souvent. 
…. 
Dans Libération d’hier : 
« Il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne peut pas naître » Gramsci 
« L’urgence n’est pas de changer le pansement mais de penser le changement » Eva Joly 
Dans Le Canard de la semaine

jeudi 6 octobre 2011

Albert Oehlen. Carré d’art Nîmes

A ne pas mettre devant les yeux de quelqu’un qui serait allergique à l’art contemporain:
la démarche de l’artiste allemand est difficile à saisir,
l’élève de Polke se définissant lui-même dans le courant « Bad painting ».
Chaque salle du bel espace qu’offre le carré d’art à Nîmes ne s’organise pas d’une façon chronologique mais regroupe quatre étapes où la peinture va vers sa fin.
1. Des œuvres abstraites où l’objectif de créer la confusion est atteint.
2. Des peintures grises seraient les plus proches d’une figuration mais cultivent également le flou, le barbouillé.
3. Dans les peintures où intervient un ordinateur on pourrait déceler quelques rythmes mais des taches brouillent tout esthétisme.
4. Les essuyages les plus récents gardent la mémoire de gestes et l’abstraction paraitrait lyrique exprimée sur un support blanc ou sur fond d’affiche qui font intervenir un « bruit » comme on dit dans le petit livret d’accompagnement.
Le souci pédagogique est évident avec des médiateurs présents dans chaque salle pour nous permettre d’aborder avec plus de bienveillance une visite qui n’est pas faite -surtout pas- pour susciter l’émotion et semble se méfier de toute réflexion.

mercredi 5 octobre 2011

Avant Porto

Aujourd’hui nous attend une longue étape d’environ 800 km. Nous prenons l’autoroute vers Vitoria Gasteiz puis Burgos, Valladolid, Zamora. Après le pays basque, c’est la plus grande région d’Espagne : la Castille et Léon (le château et le lion).
De grandes étendues blondes de blés, parfois interrompues par des carrés vert foncé de pommes de terre recouvrent des paysages de collines et de plateaux majestueux. Des colonies d’hélices élégantes se détachent sur les sommets. En mars 2011, l'énergie éolienne a été la principale source d'électricité en Espagne qui occupe le deuxième rang européen pour cette forme d’énergie.
Nous nous écartons de l’autoroute afin de rejoindre Coreses, un village dont on aperçoit au loin le clocher coiffé de nids d’où émergent des familles de cigognes. Nous sommes dans la carte postale de la meseta dite « la poêle à frire », à petit feu aujourd’hui : les maisons sont basses, les portes cachées par des rideaux en tissus et les dames en tablier ont la voix puissante. Comme les hommes que nous trouvons au Tristano Bar dont les voix couvrent le commentaire du reportage télévisé sur les fêtes de Pampelune.
Nous franchissons la frontière, une des plus anciennes d’Europe, à Miranda où le Douro, rivière encaissée marque la limite entre l’Espagne et le Portugal. Désormais nous sommes dans la région de Trás-Os-Montes. La route traverse les villages sur des chaussées parfois constituées de pavés. Les champs sont plantés de vignes et d’oliviers. Direction Villa Réal, nous avançons au rythme des travaux routiers titanesques: mais des embouteillages avec la pluie et le brouillard nous retardent. Nous atteignons Amarante et là l’autoroute nous permet de combler une partie de notre retard pour Porto. A Porto, Tom-tom nous dépose pile en face de la Résidence Hôtel San Marino sur la charmante place Carlos Alberto. Nous avons traversé la ville immense, plutôt délabrée sous la pluie et un temps couvert avec des panneaux indicateurs peu explicites où nous apparaissait un imbroglio de rues.
Nous déposons nos bagages, prenons possession de nos chambres et garons la voiture dans un parking sous terrain voisin avec lequel l’hôtel a passé un accord pour la somme de 10€ au lieu de 20. L’accueil en français est chaleureux et riche en informations. Munis d’un plan, d’un parapluie et ayant déballé les pulls, nous découvrons la ville des azulejos, les façades de faïence portent les marques du temps. Nous dinons selon les indications de l’hôtel près de l’église Carmo et Carmelitas du nom de « A Tasquinha » (rua do carmo 23) et cédons au menu touristique à 14€ après un apéro au Porto blanc et rouge. Il nous est proposé une soupe aux haricots, des sardines grillées ou panées, des fèves pour Dany, dessert et vin compris. Le restau se remplit peu à peu, et affiche complet.

mardi 4 octobre 2011

La bande à Lucien. Margerin.

Un des auteurs de BD auquel je suis resté le plus fidèle, dont j’ai présenté deux albums dans ce blog, aurait pu publier dans « Notre temps » intitulé ainsi car destiné à un public qui date d'un "autre temps".
Le rocker est décalé, plus dans le coup, mais cette fois sans amertume : rien que des situations prétextes à gentilles rigolades. Il devient un peu sourd, ce qui est gênant puisqu’il continue à travailler dans un magasin de musique. Les angoisses familières à son âge, concernant la santé, tourneront au gag. Riton, l’ancien batteur reconverti en gardien de musée est bien vite indulgent avec les jeunes filles. Bien qu’ils soient parfaitement inoffensifs, tous aiment encore tellement parler d’elles, en continuant à ne pas les comprendre. L’énumération des activités d’un retraité est bien vue, simple, gentille, c'est-à-dire parfaitement démodée. Et les séquences consacrées à des tendances contemporaines : l’écologie ou les jeux de guerre ne comportent pas de méchanceté. Un brin de nostalgie, de bienveillance : décidément pas de ce siècle.

lundi 3 octobre 2011

Habemus papam. Nanni Moretti.

Le pape ne peut pas.
La charge anti cléricale aurait pu être facile, mais le tir sur les ambulances n’est pas très chrétien, alors Moretti nous donne à sourire et à réfléchir : exercice finalement assez rare quand ces deux plaisirs sont mêlés.
La fable est poétique même si par exemple la partie de volleyball s’étire un peu. Par ailleurs si les prélats ne sont pas tout à fait des hommes, ils ne sont pas forcément aussi infantiles.
Le développement sur la conscience de dépasser son seuil d’incompétence est rarement mené, alors la démarche de Piccoli par son côté exceptionnel souligne la nocivité des nombreux arrivistes qui détériorent nos sociétés de leurs inaptitudes arrogantes.
Des acteurs excellents, d’ailleurs quand, incognito, le pape doit donner sa profession il dit : acteur.
Il me plait à voir sur la table de nuit des cardinaux des gouttes pour dormir.
Psychanalyse et religion montrent leurs limites dans un sourire qui ne fait pas le malin.
Et la perte de spiritualité n’est pas une forcément une bonne nouvelle… même pour un athée.
Les petits extraits de « La Mouette » de Tchekhov évoquée dans le film, donnent envie de voir la pièce en entier, ou de la lire.

dimanche 2 octobre 2011

Le Forestier. La maison bleue.

« C'était toujours la même 
Mais on l'aimait quand même 
La fugue d'autrefois 
Qu'on jouait tous les trois 
On était malhabiles 
Elle était difficile 
La fugue d'autrefois 
Qu'on jouait tous les trois »
La télévision rejoue les émissions de toujours avec toujours les mêmes si bien que De Chavannes apparaîtrait comme un petit nouveau...
mais j’ai été capté par une émission de FR3 concernant Le Forestier de retour devant la maison de San Francisco qui vient d’être repeinte … en bleu.
« Phil- à- la- kena » et « Psylvia » existent pour de vrai, et témoignent de l’honnêteté de l’auteur compositeur avec qui j’ai porté puis rasé ma barbe.
Les chansons accompagnent nos émotions, traversent et soulignent le temps.
Avec caméras ajoutées, les rides ont tendance à se remarquer un peu plus sous des lumières cruelles comme dans les miroirs des ascenseurs ; l’exercice de lucidité est salutaire.  
« Cette chanson, 
Quand je la chante, 
Je chante 
Pour du vent. 
C'est la chanson 
Du glas qui sonne. 
Personne Ne l'entend. »
Nous avons été féroces en même temps que lui, prenant des voix suaves au moment de « parachutiste », emballant « le soir à la brume » et passant « notre route » au moment où la fatigue nous tombait sur le dos.
La filiation avec Brassens,
la fraternité avec Cabrel, Souchon, Clerc,
la transmission avec Camille, Emilie Loiseau…
c’était chaleureux, parfois un peu empesé, mais une révision utile d’impérissables rimes.
« Dans ma tête, j'entends le grand ciné
Avec son gros anneau dans son zoreille »

samedi 1 octobre 2011

Piège nuptial. Douglas Kennedy.

Titré « cul de sac » dans certaines versions : un putain de bon bouquin !
Efficace, au goût corsé.
Le narrateur américain qui s’est fourvoyé dans l’outback australien reprendra l’avion sans profiter de la promotion sur le retour.
Seul l’humour peut nous empêcher de gerber, et il est utile d'appliquer votre tee shirt sous notre nez pour essayer d’atténuer les odeurs puissantes d’une humanité en décomposition. Les phrases se finissent dans des rots interminables quand la bière a abruti la population d’un village où l’utopie a mal tourné.
- Le « cœur sans vie » ? 
- Ouais, le centre de l’Australie, où il y a rien du tout. Whoop-whoop, quoi. 
- “Whoop-whoop »? 
- Mais ouais, le putain de désert mec! Le whoop-woop, le never never, le que-de-chie total, là où personne vit.
La violence est la seule ponctuation de vitalité dans un univers désespéré sous un soleil satanique.
De surcroit règle numéro un: « ne jamais prendre la route après la tombée de la nuit. Tu risques de te farcir un kangou. »
Quant à l’institution du mariage ces 250 pages ne feront pas remonter sa côte.