jeudi 7 mars 2013

L’extase : des dieux grecs à nos dieux du stade.



J’ai modifié le titre initial de l’exposé de Damien Capelazzi aux amis du musée qui devait initialement nous entretenir des saints baroques en leur chaire jusqu’à nos chers chaudrons stéphanois et puis les pardalides des prêtres égyptiens ont tendu leurs draps, alors l’antique était aussi au programme de la soirée.
Les taches des peaux de léopard des costumes sacerdotaux représentent les étoiles.
Par ailleurs, venus des bords de la civilisation, les satyres dansent, bondissent, nous prennent par la main pour qu’on rejoigne leur sarabande.
Les fêtes autour de celui qui sortait de la cuisse de Jupiter, Dionysos, le dieu deux fois né, sont  de bonnes occasions pour montrer de beaux corps qui se meuvent avec élégance et énergie.
Jusqu’à présent je ne connaissais qu’un seul roi : Pelé, le meilleur joueur de tous les temps, de son vrai nom Edson Arentès Do Nascimento, le doux brésilien au drible chaloupé, à la frappe fulgurante.
Il y eut un autre roi, Pélée, un mortel qui épousa la déesse Thétis. Achille au tendon vulnérable fut le seul de ses enfants à survivre. Des traces guillerettes de ces amours olympiques subsistent sur des vases, et des statues se déhanchent avec grâce dans les plis expressifs des chitons. Si la belle déesse avait dans un premier temps refusé d’apporter son éternité à l’humanité, ses représentations, où elle chevauche un hippocampe spiralé ou entourée d’autres néréides, témoignent d’une vitalité qui ne s’est pas éteinte. Les déhanchements (contrapposto), la fluidité des corps qui se retournent, annoncent la venue de  la Vénus de Botticelli sortie vivante des fonds marins où les attributs virils d’Ouranos avaient été jetés après amputation.
Avec toutes ces formes retravaillées par les artistes, tant de beauté issue du chaos, au détour d’une remarque, comme en blaguant, le conférencier nous donne envie d’aller chercher Baudelaire qui nous prend dans Les phares:
« Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes;
C'est pour les cœurs mortels un divin opium !
C'est un cri répété par mille sentinelles;
Un ordre renvoyé par mille porte-voix;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grand bois !
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité ! »
Tous ces enlèvements : Europe, Ganymède, Déjanire, Proserpine, Sabines!
Les hommes enlèvent les femmes, le corps rencontre l’esprit.
Rubens offre la chair et parle à l’esprit, il donne la vie à des poses classiques, les visages s’extasient. L’extase serait ce lien énigmatique entre douleur et plaisir.
Je n’ai pas tout saisi de la différence entre commentaire sur les images et discours sur l’art, mais j’ai apprécié : « son art caché derrière l’épiderme du tableau ».
Le mécréant Canard Enchaîné mit le terme épectase sur la place publique lorsque le cardinal  Daniélou  qui avait travaillé le sujet, mourut dans le lit d’une prostituée : il n’a pas  été proposé sur la liste des bienheureux, pourtant…
Le Bernin était incontournable dans cette affaire où consentement et refus sont proches avec Proserpine raptée par Pluton. Jamais le marbre ne fut plus chaud : les plis de la peau se forment sous la pression ferme et légère du dieu de l’enfer. Sa Sainte Thérèse écrivait : « La douleur était si grande qu'elle me faisait gémir; et pourtant la douceur de cette douleur excessive était telle, qu'il m'était impossible de vouloir en être débarrassée. » Il l’a sculptée divinement.
Les baroques ont pris la beauté à bras le corps et au XXI° siècle, il se trouverait bien quelque égaré pour avoir à redire à tant d’exaltation de la création. Quand Lio  dans les bras d’un nuage tord son pied, le Corrège enflamme une église dans sa douce lumière. Avec l’esclave de Michel Ange sur le tombeau de Jules II et pour tous les Saint Sébastien qu’en est-il de la souffrance et du plaisir ?
Matisse et Carpeaux ferment la danse.
Depuis ce XVII° décomplexé, nous avons compris le langage du marbre d’où les corps accèdent à la résurrection mais nous mesurons nos difficultés d’aujourd’hui avec le vivant.
Roger Milla, lion indomptable, esquisse quelques pas devant le poteau de corner, il vient de marquer, je jaillis du fauteuil.

1 commentaire:

  1. Danser... se déhancher, se laisser prendre par le rythme de la musique... se laisser séduire...toucher le corps de l'autre (sexe...)
    Tu me rends nostalgique, là, Guy...
    Je ne m'incline pas devant les dieux du stade. Leur.. "musique" ? leur rythme ne sont pas les miens.

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