jeudi 2 mai 2013

Le rouge. Conférence de Damien Capelazzi.



Erotisme et pouvoir, lèvres, sang, corps et âme, depuis Isis et le Christ, mais pas de rouge bannière dans cette conférence aux amis du musée de Grenoble, consacrée à la couleur rouge, hormis une sérigraphie de 68 où des « Oui » qui paraissent de loin comme des sens interdits tournent autour du mot révolution.
D’un filet de vie vermeil aux drapés cramoisis nous entrevoyons quelques tableaux qui comptent dans l’histoire de la peinture et découvrons quelques œuvres écarlates.
Au début était Osiris greffé à un cèdre au Liban. Après avoir voyagé dans un sarcophage plombé par Seth le frère jaloux, il fut ramené en Egypte par Isis sa sœur par ailleurs son épouse. Celle-ci le sauve une seconde fois. Alors qu’il avait été démembré en quatorze morceaux, elle le reconstitue à l’exception du phallus mangé par une carpe du Nil qui le recrachera sous  la forme de la constellation d’Orion. Un substitut en terre du divin organe suffira pour mettre en route  leur fils Horus, qui lui, restera à l’abri des furieux.
Isis, cette femme en rouge, déesse de la procréation, renvoie au principe du cycle (menstruel) comme son compagnon Osiris (le renouvelé); Nephtys la stérile épouse de Seth  à la pâle figure disparait derrière elle, du côté du mal.
Le manteau rubicond du christ fut également découpé au pied de la croix et joué aux dés.  
En toute complémentarité, cette marque d’humanité incarnat appelle le bleu céleste.
Dans un tableau d’Andréa Del Sarto, qui fut un premier choix de François premier, la couleur de la tunique se rapporte aux stigmates, les yeux bordés d’ombre du supplicié sont pleins de douceur : l’équilibre est subtil.
Le sang du crucifié d’Alberto Sozio vient toucher le point de circoncision et retourne à l’Adama (nom de la terre en hébreux) par une orbite vide du crâne d’Adam situé exactement sous la croix.
Dans l’hôpital tenu par les Antonins où était installé le retable de Grünewald, désormais à Colmar, les victimes du terrible mal des ardents pouvaient-ils calmer leurs folles douleurs en voyant le corps martyrisé du Christ, vraiment impressionnant ?
Le tableau du Gréco, où Jésus est dépouillé de son manteau, se trouve à Tolède dans une sacristie (le sein de la vierge). Le rouge manteau se reflète sur la cuirasse du centurion, le futur saint Longin, qui nous regarde. Cette peinture a trouvé sa destination et au moment où les techniques numériques nous rapprochent des œuvres, il est important de nous reculer parfois et de savoir  le contexte où s’installèrent les tableaux.
Petite pastille contemporaine : Jana Sterbak est moins connue que Lady Gaga mais c’est elle qui présenta la première robe en chair « pour anorexiques », du bœuf.
Saint Michel, l’ange belliqueux, fut instrumentalisé par les Normands et les Lombards.
Du côté de Novgorod la couperose est de mise bien avant 1917 sur les icônes, le rouge royal rejoint celui des patriarches. Le basileus dans les religions orientales, « servant et lieutenant de Dieu », fusionne le sacré et le profane.
La pourpre cardinalice indique le haut rang de la hiérarchie ecclésiastique, Dieu en personne sur sa mitre tri règnes porte le rubis et Léon X, fils du Magnifique Laurent, peint par Raphaël, affiche son autorité profane en velours.
 Après Richelieu  peint par Philippe de Champaigne en homme de guerre, l’empereur Napoléon par Ingres sous son hermine, animal qui ne supportait pas d’être taché, passe au rouge, il veut être respecté comme un prélat et craint comme un soldat. De même, son neveu et Louis Philippe  portent la culotte voyante des militaires.
Jan van Eyck sous son turban noué à la bourguignonne affiche sa virilité.
Ranucio Farnèse peint par Titien sort de l’enfance. Jean de Médicis avec sa bonne bouille par Agnolo Bronzino tient un chardonneret qui aurait trempé son bec dans le sang du sauveur comme l’enfant par Francisco Goya qui joue entre ombre et lumière avec une pie.
Pas le temps de voir le Caravage, ni Rubens  mais Job, Madeleine, Saint Jérôme, Saint Sébastien, la Femme à la puce, la diseuse de bonne aventure, les tricheurs… de Georges De La Tour portent tous un rouge, brûlant, intense, magnifiquement.

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