samedi 29 juin 2013

L’hiver des hommes. Lionel Duroy.



Après une rencontre avec l’auteur organisée par la librairie du Square, j’ai acheté son  livre au titre fort qui ne trompe pas sur le contenu.
L’ancien reporter de Libération se consacre désormais à sa vie d’écrivain et s’il invente dans ce roman un personnage qu’il appelle Marc, il ressort de ces pages documentées, une sincérité émouvante. L’écriture est limpide, les décors bien plantés, les portraits vifs. Nous sommes amenés à nous interroger sans cesse mais sans sommation.
« …je vois que la neige s’est remise à tomber. Personne n’a songé à venir allumer, de sorte que l’ombre des flocons sur les murs, dans le jour finissant, donne le sentiment qu’une pluie de cendres s’abat lentement sur nos têtes. »
Il a essayé de résoudre ses blessures d’enfance sous d’autres titres mais en enquêtant sur la mort de la fille de Ratko Mladić « le bourreau des Balkans », et en s’interrogeant sur  ce que sont devenus les enfants des nazis, il n’est  toujours pas guéri d’être le fils d’un père d’extrême droite.
La superposition d’une l’histoire personnelle et des évènements de 1995 quand la Yougoslavie disparaissait avec le plus grand massacre en Europe depuis la seconde guerre (6000 à 8000 personnes) est poignante, sans effet spectaculaire mais d‘une grande efficacité.
Nous le suivons pendant 350 pages dans le  misérable territoire serbe en Bosnie, du côté de Pale, d’où sourd une tristesse infinie.
« Celui qui nous conduit à la gare routière est en panne d’essuie glaces, de sorte qu’il roule avec sa vitre baissée pour pouvoir sortir le bras à intervalles et dégager son pare-brise à l’aide d’une raclette qu’il a ficelée au bout d’un fil de fer. »
Il rencontre des acteurs de ce drame qui se disent vainqueurs, mais ils sont en réalité désespérés, s’estimant trahis par tous, y compris des serbes de Belgrade, ils vivent comme en prison dans une peur qui n’en finit pas.
Un éclair d’espoir, in extrémis, quand il passe à Sarajevo, il aperçoit deux reclus qu’il avait connus lors de son séjour. Les deux amoureux se tiennent par la main :
« Ils ont osé venir et maintenant ils voient combien ce qu’on raconte là haut est faux - délires de survivants aveuglés par la peur et par  la haine. »
C’est à la dernière page.

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