samedi 19 avril 2014

Raconter la vie. Maylis de Kerangal Pierre Rosanvallon Robert McLiam Wilson

Au dou­zième Printemps du livre à Grenoble intitulé « Seul et ensemble », l’historien Pierre Rosanvallon http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/11/la-societe-des-egaux-pierre-rosanvallon.html  qui vient de lancer une collection dénommée « Raconter  la vie » était tout à fait à sa place, ainsi que ses comparses. Il a présenté cette entreprise « porte-voix ».
Le trou est béant entre le peuple et les politiques, qui ne l’a pas constaté ? Alors cette initiative éditoriale qui se veut lieu de lien social, vise à donner la parole aux « invisibles », invisibles d’abord à eux-mêmes.
En face quelle expression portent nos représentants, de qui sont-ils les porte-paroles ? Chez eux la parité a progressé, mais la diversité des groupes sociaux a régressé. D’avantage de femmes mais pas d’ouvriers, même au comité central du PC. Et ce n’est pas nouveau : des brochures sur « la malreprésentation » étaient écrites dès 1789. A l’âge de l’hyper visibilité factice (réseaux sociaux, téléréalité…), la société est opaque aux yeux d’une caste politique et médiatique dans l’entre soi, qui ne cherche même pas à savoir. 
« Raconter la vie veut contribuer à rendre plus lisible la société d’aujourd’hui et à aider les individus qui la composent à s’insérer dans une histoire collective. »
Quand un tiers des français vit dans l’année un moment fort : rencontre, séparation, perte d’emploi, réussite ou échec à un examen, comment rester sur des catégorisations sans dynamique, des généralités qui ne disent plus rien ?
« Pour « raconter la vie » dans toute la diversité des expériences, la collection accueille des écritures et des approches multiples - celles du témoignage, de l’analyse sociologique, de l’enquête journalistique et ethnographique, de la littérature »
Parce qu’ « écrire agrandit le regard », ces livres et ce site web appelés à se multiplier, visent à faire vivre une « démocratie narrative ».
Il s’agit de regagner de la confiance face aux stéréotypes: opposer le réel à des visions fantasmées, agressives. Le récit de la vie quotidienne autour d’une mosquée  peut contrer bien des appréciations globalisantes.
Par exemple dans un livre de la collection à 5, 90 €, «  Les courses ou la ville », on demande au livreur de capsules « Nespresso » de ne croiser le regard de personne car cela dévaloriserait la marque !
L’irlandais Robert McLiam Wilson nous apporte un air venu hors de l’hexagone, en regrettant la faveur du mot anglais « chav » qui signifie « racaille beauf » avec un mépris, y compris de la gauche, qu’elle ne se serait pas permis avec des minorités ethniques, mais là il s’agit de blancs. Il jette un regard sans concession sur le 6°arrondissement de Paris, quartier de la classe médiatique, monocolore comme certains quartiers de Johannesburg au temps de l’apartheid et nous rappelle une émission «Benefits Street» (la rue des allocations familiales) retransmission de téléréalité aux effets ravageurs.
Maylis de Kerangal, la romancière, écrira à propos d’un cuisinier, après Annie Ernaux sur les Supermarchés http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/04/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie.html . Elle qui travaille plutôt dans la fiction « polyphonique, omnivore », ne souhaitant pas que la littérature se soumette au réel, est pourtant investie dans cette entreprise. Attachée à traduire des trajectoires individuelles, elle signale l’importance de sa présence à une opération d’implantation d’organe qui a pu infuser dans tout son dernier ouvrage.
Dans la lignée de tentatives du XIX° siècle autour de Balzac, l’auteur de « la comédie humaine », avec des brochures  de 8 pages qui traitaient aussi bien des rentiers que de la condition carcérale, Rosanvallon & compagnie comptent bien multiplier les styles pour capter les mouvements, sortir des pétrifications, livrer des représentations sensibles plutôt que des discours sur la tolérance, quand on ne sait pas grand chose du travail de ceux qui nous apercevons sur le quai d’une gare, où au fond d’un abattoir. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire