dimanche 29 novembre 2015

L’avare. Ludovic Lagarde.

A Molière, on peut tout lui faire, il est éternellement drôle et juste, profond.
« Hé quoi, charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi ? Je vous vois soupirer, hélas, au milieu de ma joie ! Est-ce du regret, dites-moi, de m’avoir fait heureux ? Et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre ? »
L’adolescent, le casque sur les oreilles, qui était devant nous à la MC2 a été saisi dès la première scène où Valère et Elise sortent d’un placard le pantalon sur les chevilles. Au bout de deux heures trente, il a applaudi longuement comme tout le monde, alors que ce n’était pas gagné, un samedi soir avec les parents pour une pièce du patrimoine.
« Vous êtes la fable et la risée de tout le monde, et jamais on ne parle de vous, que sous les noms d’avare, de ladre, de vilain, et de fesse-mathieu. »
Je n’ai pas perçu avec autant d’évidence que certains critiques interprétant Molière comme un visionnaire critique du culte de l'argent « dieu futur du capitalisme ».
« Vos chevaux, Monsieur ? Ma foi, ils ne sont point du tout en état de marcher : je ne vous dirai point qu’ils sont sur la litière, les pauvres bêtes n’en ont point. »
Le vieil avare même rajeuni, n’est pas le seul commandé par l’argent.
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » pour citer un autre Grand d’un siècle sous le soleil, La Fontaine et ses animaux malades de la peste.
Laurent Poitrenaux, le remarquable acteur incarnant Harpagon est bien trop dérangé, paranoïaque, psychopathe, effrayant, violent, ridicule, pathétique.
« ll se dépense jusqu’à la ruine ».
Toutes les propositions de mise en scène sont cohérentes, caméra de surveillance et entrepôt affairé. La litanie habituelle des prétendants au dépoussiérage des œuvres classiques n’est pas de mise : aucune poussière, ni gadget inutile.
« Vous, Brindavoine, et vous, La Merluche, je vous établis dans la charge de rincer les verres, et de donner à boire ; mais seulement lorsque l’on aura soif, et non pas selon la coutume de certains impertinents de laquais qui viennent provoquer les gens, et les faire aviser de boire, lorsqu’on n’y songe pas. Attendez qu’on vous en demande plus d’une fois. »
La farce est toujours là et l’alacrité,
« Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser. »
la noirceur aussi, la folie, la souffrance et l’amour, même si les femmes sont maquillées le plus souvent en cagoles.

2 commentaires:

  1. J'aime bien cette phrase : "Ils ne moururent pas tous, mais tous étaient frappés".
    Elle est bien profonde. On peut bien se targuer que soi, on échapperait à la... folie collective ambiante, mais il n'en est rien.
    Molière visionnaire. Ça fait très mal de voir quand on a les yeux X Ray de Poquelin.
    Jusqu'où peut-on aller dans la passion de.. Rien ? ou de la rationalisation du désir ? (Rien d'inutile...un monde économe où le fonctionnel a tous les honneurs, par exemple.)
    Bonheur à toi de voir une mise en scène "moderne" et.. fidèle ?
    La plupart du temps c'est l'un OU l'autre...

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  2. Nous l'avons vu aussi, c'était peu de temps après "les évènements", donc cela faisait beaucoup de bien de rire un peu, et nous avons en effet bien ri, surtout dans la dernière scène, celle du fameux quiproco... Pour ce qui est de la mise en scène... un peu trop de caisses, non?

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