samedi 30 janvier 2016

Histoires. Marie Hélène Lafon.

et encore mieux.
J’avais le sentiment de connaître des personnages présentés dans les courts chapitres de ce volume de 315 pages, mais je ne savais s’ils venaient des livres déjà lus de mon auteure favorite ou de souvenirs de mon pays d’enfance.
L’écrivaine qui finalement ne viendra pas à la librairie du Square comme annoncé donne à la fin de cette livraison des clefs de sa démarche dont on avait pu soupçonner l’exigence, l’élégance.
Pas un mot qui ne soit juste, pas une virgule de trop ou de pas assez, pas un battement, une odeur, un silence, une poussière qui ne soit pas vrai, dense, intense.
« Quelque chose de la pâleur des livres, peut être, avait coulé dans la chair de Jeanne, qui parlait d’ailleurs et d’autrement. »
Les taupes, les grenouilles, le tour de France à la télévision, quelques gourmandises à la Delerm mais prises dans tellement de solitudes, « le monde et sa plaie ouverte ».
Les phrases ultimes, à la fin de chaque récit, sont des clous.
«Les enfants n’écoutent pas. Ils attendent le dessert. »
«Des gens ont parlé en bas. Ils ont crié. Il a attendu »  
Et pourtant ce n’est pas faute de manquer de conviction comme cette religieuse qui n’est plus de son temps, ou de courage comme cette petite et son corset dans les dortoirs d’un pensionnat ou d’esprit de liberté en fin de journée de communion.
Pour illustrer le poids des mots qui n’est pas qu’affaire littéraire : un homme n’arrive pas à dire « fleur artificielle », il dit fleur « surnaturelle » pour celle qu’il apporte au cimetière. On  en partage tout le prix, et la beauté indestructible. Je crois bien qu’il a raison de dire ainsi en ces lieux massifs de chez central où l’on meurt beaucoup, avec tellement de dignité.
Racontées avec cette probité, ces tragédies qui nous transpercent en deviennent presque consolantes.

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