vendredi 22 avril 2016

Merci M. Finkielkraut.


Voilà qu’à République, quand la nuit se tient debout, des énergumènes déboutent le philosophe
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/11/et-si-lamour-durait-alain-finkielkraut.html  qui aurait pu savoir qu’il allait se faire du mal à venir en ces lieux. Depuis un moment je lis ce témoin de ma génération, je l’écoute, et il m’émeut jusque dans ses maladresses. Son éviction permet de mettre en évidence, sous certains masques nocturnes, intolérance et bêtise qui n’appartiennent pas exclusivement à un camp.
Certes les biquets qui « ainsi font font font » dans les assemblées fraternelles, n’ont repoussé personne, ni détérioré quoi que ce soit, mais leur indulgence va d’abord vers les casseurs  en marge des manifs ou à l’égard de ceux qui se montrent intolérants sur ce coup. Et pourtant ils se voient, si bienveillants vis-à-vis de l’humanité en général, mais pas forcément à l’égard de  tous leurs contemporains.
Ce n’est pas de leur faute, pensent-ils - on dit alors irresponsables - mais celle de la société, de leurs parents, de Vals, de la mondialisation, du capitalisme… Ils sont  pourtant si cools, mais guère stratèges : cet épisode a même été regretté par des journalistes qui ont réchauffé leur tirage auprès de quelques cracheurs de feu aux nez rouges et leurs vieux os aux paroles adolescentes.
Un de mes amis, libertaire conséquent, fin connaisseur de littérature populiste, radical en humanisme, n’aimait guère les cortèges où on « faisait les conscrits », alors que moi j’appréciais les slogans marrants et les dispositifs inventifs qui nous faisaient courir après une médiatisation où nous nous perdîmes, parmi d’autres lieux de perdition.
Si je reviens sur ce mouvement où les enjeux de paroles se posent, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/04/bisounours.html c’est que l’expression aussi bien des enfants, que des adultes, m’a importé tout au long de ma carrière de pédagogue et de syndicaliste.
Les moyens pour parvenir à nos fins dans mon métier et dans mes engagements me semblaient liés. C’était avant que la police permette aux dessinateurs de dessiner, et à la presse d’exercer sa liberté. Aujourd’hui dans ces assemblées qui aiment se savoir tellement horizontales, j’aurais tendance à voir plutôt une priorité donnée à la forme pour la forme qui prendrait le pas sur le fond. 
Dans la classe, des moments étaient institués pour que chaque élève puisse s’exprimer, nous avions alors le temps. Biberonné aux débats soixante diseurs, je veillais à ce que les grandes gueules ne soient pas hégémoniques, sous la férule du doigt levé, et par ailleurs se menait un travail au long cours concernant l’expression écrite. Des témoignages me sont revenus, auxquels j’ai peine à croire, de l’absence de toute rédaction tout au long de certaines scolarités ; pourtant l’indigence de certains articles dans quelques journaux survivants laisserait supposer que de tels manques n’aient pas été si rares.
Chaque jour commençait par un moment de poésie, alors qu’en 2016, les bannières qui font rimer grève avec rêve, me semblent faciles. Rime riche mais nouveauté à revoir.
En participant aux discussions au sein de la CFDT entre rocardiens, démocrates chrétiens, cathos de gauche, écolos, trotsks, ex Maos, pédagos, voire syndicalistes et quelques socialos qui nous poussèrent vers la sortie…  et auprès desquels je revins en d’autres lieux, je n’ai pas résolu tous mes démêlés persos mais j’ai cultivé un goût de la contradiction qui me poursuit. Ce furent des moments de plaisir que de s’accorder, parmi tant de diversité d’opinions, de caractères, de conditions, tout au long d’années de travail, de convictions et d’espoir.
Depuis les facs en faillite et les Pôles Emploi à poil, dans un pays où devenir enseignant, conducteur de train ou bien médecin généraliste n’est plus désirable, la jeunesse qui ne croit plus aux flatteries d’une classe politique aveugle et sourde, a raison d’être inquiète : elle se bouge. Mais c’est la respecter que de ne pas tout approuver de leurs comportements et paroles. 
Pour avoir fait un tour furtif sur le parvis de la MC2, j’ai deviné au bout de deux phrases de quel parti était la laborieuse oratrice du moment. Si elle pouvait en ce printemps convaincre quelques débutants en politique, moi, le vieux singe, après trop de grimaces, je suis allé m’asseoir dans la salle subventionnée attenante pour assister à du théâtre moins prévisible.
Pour ce que je sais : que le film de Ruffin  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/03/merci-patron-francois-ruffin.html  fasse converger tant de regards et cristallise les oppositions les plus radicales, les visions les plus ambitieuses, me laisse dubitatif sur les perspectives que peuvent proposer des spectateurs qui prendraient la comédie documentaire facétieuse mais parfois ambigüe pour « L’an 01 ». Ces images pointent la faillite de l’action collective et par là sont parfaitement dans l’air du temps individualiste : ironie et auto satisfaction.
« Nuit debout » est plutôt réservée aux étudiants peu harassés par les rythmes scolaires mais guère dans le tempo pour ceux qui se lèvent tôt, à moins d’être en grève générale comme il se devrait depuis un demi-siècle au moins. Dans quelque maigrichonne vidéo de propagande, un commentateur s’extasie que lors de ces assemblées un cadre discute avec un SDF. Quand tant de candeur rejoint tant d’ignorance de la vie, je mesure nos faillites syndicales et pédagogiques. Pour les politiques se reporter à la chronique quotidienne qui voit ici Piolle et Martin s'éblouir devant une facette de la jeunesse ou là haut, El Khomri portant un chapeau bien trop vaste pour elle, alors que Vals affublé d’un Panama depuis air Barça et autre Cahuzac en papier doré, a beau tourner dans tous les sens,  il s’enfonce.
…..
Le dessin d’en-tête et celui ci-dessous viennent du site de la newsletter de Télérama.

1 commentaire:

  1. J'ai vu le film "L'avenir", avec Isabelle Huppert, sur une certaine caste intellectuelle française, et j'ai été frappée de l'insignifiance à laquelle nous avons réduit le mot "liberté" dans le contexte actuel, surtout en Occident.
    L'Homo Modernicus, à force de... gagner le gros lot, de domestiquer la planète, de (croire...) reconstituer le Jardin par une volonté prométhéenne canalisée dans le commerce, devient insignifiant à ses propres yeux. (J'ai déjà dit à mon fils que qui gagne.... GROS perd gros par la même occasion. C'est incontournable, ça. C'est la marche du monde. Ceux qui ne le voient pas sont certainement plus heureux, mais l'espèce étant ce qu'elle est, elle est forcément influencée par ceux qui continuent, et continueront, à voir l'envers du décors, même dans un monde où les uns et les autres se gargarisent de transparence.)
    Je crois que je cause comme Finkielkraut, qui doit être mystifié d'une modernité qui chie sur l'esprit du Livre tout en exigeant une idolâtrie des chiffres preuves littérales du nombre de Juifs disparus dans les camps.
    J'essaierai de lire le livre de Finkielkraut dont tu parles dans le lien...
    Bon courage à toi, bon courage à.. nous.
    Si ça peut t'aider, songe un peu que Louis XVI et Marie Antoinette (et d'autres encore) ont du éprouver des émotions semblables en voyant la fourmilière s'agiter dans tous les sens, et les fourmis, devenues folles, foncer pour piquer tout ce qui bougeait. En étant convaincus d'être des héros, par dessus le marché...

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