dimanche 19 juin 2016

De peigne et de misère. Fred Pellerin.

Depuis longtemps je n’avais pas assisté à un racontage du Festival des arts du récit en Isère, subséquemment je me suis fustigé rétrospectivement d’avoir manqué d’autres beaux moments qui auraient pu être à la hauteur de cette soirée exceptionnelle.
Dans nos régions, les insectes sont devenus si rares qu’ils ignorent désormais nos allées-venues automobiles, dans le village du jeune québecquois découvert aujourd’hui, Saint-Élie-de-Caxton, ce sont « Les lutins et les fées qui s’écrasent dans les pare-brise le soir » alors ce lieu de légendes a bien mérité d’accueillir pas moins que le début et la fin du monde.
Ce conteur qui tient son talent de sa grand-mère, mêle le fantastique au quotidien avec inventivité et vivacité, sans barboter dans une pacotille surannée, mais revivifiant ce que Vigneault appelait les « placotages ».
Cette province est bien belle, d’où nous viennent tant de chanteurs et de conteurs élémentaires, légers et profonds qui polissent et repolissent nos mots, les déplissent. Alors surtout ne pas dire qu’il s’agit d’un « one man show » ou d’un « stand up ».
 Puisque nous sommes les invités d’un pays où
« chaque cheveu fait de l'ombre sur terre »
l’attention aux autres est au plus haut comme celle qui est apportée aux voix qui disent si bien la douce fantaisie, le tragique, le loufoque, la solidarité dans une communauté aux individus hauts en couleurs, en douleurs, sans s’appesantir.
Ce feu d’artifice loquace, agrémenté de chansons à la guitare et à l’harmonica amarré à son porte-harmonica, se conclut magnifiquement par une boite contenant le silence, héritée bien entendu de cette grand-mère préhistorique «  quand j’ouvre ma boîte, tu fermes la tienne »
Les mots bafouillés, retravaillés, triturés, offerts en cascades se régénèrent et permettent tous les décollages poétiques, drôles et poignants.
Un des personnages, le barbier coiffeur, « habile à trier les cheveux blancs et les idées noires » a beau avoir inventé « la coupe du client qui ne reviendra plus jamais », le public fervent reviendra lui à tous coups.

1 commentaire:

  1. Un récit très réussi, Guy. Merci. Je note le nom du conteur.
    Oui, le Québec est un pays où les habitants (certains) polissent les mots, et pèsent leur poids.

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