jeudi 23 juin 2016

Max Ernst. Christian Loubet.

« Le Léonard de Vinci du surréalisme », valait bien un exposé devant les amis du musée de Grenoble, le génie florentin nous avait depuis longtemps invités à rêver à partir de taches sur un mur.
Max Ernst peintre majeur du XX° siècle, doit sûrement à ses origines allemandes d’être quelque peu sous-estimé, d’autant plus qu’à son retour des Etats-Unis, l’abstraction en peinture était la règle sur notre sol. Il a finalement acquis la nationalité française après avoir été interné dans un camp en 40 à cause de ses origines, avant de rejoindre les Etats-Unis à la suite d’une de ses quatre femmes, Peggy  Guggenheim.
L’« Autoportrait » réalisé à 18 ans témoigne de son admiration des couleurs de Van Gogh, quand son regard affirme une hyper sensibilité tranchant avec un milieu familial rigoriste.
Le père va l’initier à la peinture, et leurs promenades en forêt vont cultiver la tradition germanique d’une nature peuplée d’êtres fabuleux.
Né en 1891 à Brühl près de Cologne, il s’éteint à Paris en 1976.
Tout jeune, quand l’oiseau qu’il possède dans une cage, meurt au moment de la naissance de sa sœur, il pense à une liaison entre les deux évènements. Il va développer tout au long de sa vie une grande curiosité et une émotivité aimant jouer avec les forces occultes.
Il commence des études de philosophie, étudie Freud, Nietzsche, puis à Paris, découvre Delaunay, Apollinaire, Chagall, juste avant la première guerre. Il  éprouvera l’absurdité et la douleur du conflit sur le front français et polonais.
Il prend une part active dans le mouvement Dada à Cologne où Klee joue un rôle éminent, puis revient à Paris et devient intime d’Eluard qui lui achète « l'Éléphant Célèbes ».
Le titre vient d’une comptine où le pachyderme a « du jaune aux fesses » ; le tableau transfigure une photographie d'un silo à grains africain et si des interprètes voient Europe dans la femme sans tête, la trompe peut inspirer d’autres commentaires.
Après l’épisode expressionniste et dada, il devient membre du groupe surréaliste et se montre intéressé par la peinture métaphysique de De Chirico.
Le « Rendez-vous des amis »  les réunit tous : René Crevel de dos, Paul et Gala Eluard la future compagne de Dalí, Aragon, Breton, Desnos, De Chirico en statue romaine... auxquels se sont joints Dostoïevski et Raphaël.
« Au Premier Mot limpide»  lisse est énigmatique, la main a des allures érotiques, le « M » est celui de Max.
Les oiseaux sont très présents dans son œuvre, avec un certain « Loplop, supérieur des oiseaux » représenté dans plusieurs toiles. « Deux Enfants sont menacés par un Rossignol » est une porte ouverte sur le rêve.
Le tableau de « La vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le peintre »  est plus accessible : le fils de dieu perdant son auréole où s’inscrit la signature du peintre peut être lu comme une image anticléricale, mais en remontant à l’enfance la signification s’élargit : le père avait peint son petit Max en Jésus lorsqu’il revint d’une escapade sur la voie du chemin de fer où sa curiosité l’avait amené dès 5 ans à s’intéresser aux fils électriques.
Expérimentant sans cesse les techniques les plus variées, il construit une œuvre considérable.
Le frottage : « Sur un plancher aux mille éraflures… je posai au hasard des feuilles sur les lattes que je frottai au crayon noir… je fus surpris par le renforcement de mes qualités visionnaires. »  « L’évadé »
Le collage : « Le Jardin de la France ». Un catalogue de fournitures scolaire l’avait intrigué par la diversité des images, il passera à la postérité pour le soin apporté à l’organisation de rencontres de hasard fertiles, oniriques et ludiques. Il utilise aussi différents matériaux qu’il peint et colle.
Le grattage permet de retrouver des couches recouvertes qui surprennent l’artiste lui-même, à l’instar de l’écriture automatique. « La Forêt » au musée de Grenoble est un exemplaire d’une série abondante.
La décalcomanie : en pressant des feuilles enduites de couleurs, il multiplie les paysages fantastiques comme dans « l’Europe après la pluie ».
Il aurait inspiré Pollock qui a popularisé la technique du dripping.
« L’œil du silence », « une sphinge masquée au bord du chaos » fournissait le titre à l’exposé du conférencier attaché à mettre en lumière les apports du « magicien des décalages imperceptibles ».
« Le nageur aveugle » peut également évoquer sa quête des sens cachés.
Son « Jeune homme intrigué par le vol d’une mouche non euclidienne » ne fournit pas seulement un titre poétique et surprenant, c’est que  dans ces géométries, « l’être cherche sa place pour ne pas se perdre ».
Loin des colères engagées de « L’ange du foyer » du temps de la guerre civile espagnole.
«La sculpture m'amuse de la même façon que je m'amusais lorsque je faisais des châteaux de sable, quand j'étais petit garçon.» 
Le village de Seillans dans le Var, où il finit sa vie, a mis en évidence son « Génie de la Bastille »

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