jeudi 15 décembre 2016

Le siècle d’or flamand. Daniel Soulié.

Après les maisons et beffrois vus par des peintres qui inscrivent pour la première fois des paysages dans des tableaux religieux,
le conférencier revenu devant les amis du musée de Grenoble a choisi quelques artistes remarquables du XV° siècle pour leurs chefs d’oeuvres destinés aux églises, et aux riches croyants en voyage, avec en prime, en leur avènement, des portraits saisissants.
Charles le Téméraire qui apparaît dans le « Retable de Sainte Colombe » de Van der Weyden, meurt en 1477 sans héritier mâle, sa fille Marie épouse Maximilien de Habsbourg, empereur germanique qui laissera à son petit fils Charles Quint la moitié de l’Europe.
Les possessions Bourguignonnes sont morcelées. Les canaux s’ensablent, les villes d’Ypres, Bruges et Gand déclinent, alors qu’Anvers devient un centre économique important où travaillent les orfèvres. La brillante cour ducale de Bruxelles attire peintres, sculpteurs, enlumineurs, tapissiers.
Van Eyck, s’il n’est pas l’inventeur de la peinture à l’huile, a bien utilisé ce produit nouveau pour  sa fluidité, son brillant, peignant une foule de détails somptueux. L’utilisation de la toile qui remplace petit à petit le bois permet également des œuvres monumentales. Jan, frère d’Hubert Van Eyck, a réalisé des missions diplomatiques pour Philippe le Bon pour lequel il était plus qu’un valet de chambre.
Son retable de « LAdoration de l'Agneau mystique » composé de 24 panneaux a été volé treize fois en six siècles. Pour situer sa place centrale dans notre civilisation, le traité de Versailles en 1918 a contraint l’Allemagne à restituer les panneaux volés et même ceux qui furent achetés.Adam et Eve y sont en majesté, tellement humains.
L’engouement pour les peintres flamands, qu’il ne convient plus m’a-t-il semblé de traiter de « primitifs », est toujours fort du côté de Berlin, de Madrid ou dans l’aire  de la ligue hanséatique qui avait transporté des centaines de retables dans ses bateaux.
« Le portrait des époux Arnolfini »  dont chaque détail peut être examiné avec soin et admiration, est une prouesse technique : rien que sur le miroir entouré de scènes de l’ancien et du nouveau testament figure un autoportrait du peintre.
 « La Vierge du chancelier Rolin » où le donateur « est à la hauteur » ne comporterait pas moins de 130 références au Cantique des cantiques : jardin clos, rose sans épine, carrelage avec des étoiles à huit branches : l’étoile du matin...

Les « Portraits du cardinal Niccolò Albergati» permettent de voir le passage du dessin à la peinture et la virtuosité des deux manières.
Si l’influence de Van Eyck  par ses prototypes stylistiques aux rendus méticuleux venait du Nord, celle du « maître de Flémalle » Robert Campin, est plus au sud.
Réaliste et symbolique, sacré et profane le « Triptyque de Mérode », représente l'Annonciation dans toute la richesse des étoffes et des couleurs.
Parmi la vingtaine d’œuvres qui lui sont attribuées, « La Trinité affligée » en grisaille est d’une présence étonnante.
L’individu s’annonce dans « Portrait d'une femme », son visage de trois quarts  a dépassé les profils italiens, ses mains sont là, magnifiques.
Le « portrait d’une jeune fille », habillée à la française, de Petrus Christus est charmant, la « Joconde des musées berlinois » figurait dans la collection des Médicis.
« Saint Eloi à l’étude », le patron des orfèvres s’apprête à recevoir d’autres clients qui se reflètent dans le miroir alors qu’un couple achète une bague de fiançailles.
La vierge s’évanouissant au moment de « La Descente de Croix » porte toute la douleur du monde. Rogier van der Weyden dans des compositions majestueuses anime intensément ses personnages à la psychologie affinée.
Hugo van der Goes participe aussi au passage des temps médiévaux vers la Renaissance, sa « Mort de la Vierge » est intensément dramatique.
Allez ! Un dernier pour la route : « Le jugement dernier » de Hans Memling.
De ces temps de guerre et de famine, nous est parvenue, sous les loupes, une poésie puissante née de la spiritualité. Et l’art du portrait annonce un humanisme qui nous paraît d’autant plus chaleureux qu’à mesure où notre planète se réchauffe, se glacent nos rapports sociaux, s’hystérisent nos débats.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire