mercredi 7 septembre 2011

Touristes en Chine 2007. # J 23. Oiseaux en cage et fabrication de tofu.

La porte du sud de l’ancienne ville de Jianshui, qui gardait la route de la soie est construite dans le style d’autres portes déjà vues et sert de nichoirs aux martinets. C’est le lieu de rendez-vous des marchands ou propriétaires d’oiseaux avec leurs belles cages en bambous aux ouvertures plus ou moins travaillées. Une housse les cache parfois ne laissant visible que la porte et son oiseau. Les oiseaux sont stimulés par le chant des autres, c’est aussi un lieu de vente de vers grouillants, de gobelets en porcelaine, de cages.
Nous nous enfilons dans des ruelles étroites, en direction d’un puits en pierre polie à côté d’un cyprès. Son eau puisée et filtrée au travers d’un tissu sert aux fabriques artisanales et traditionnelles de tofu.
Cet aliment, très présent en Asie nous a semblé insipide mais les conditions de sa fabrication nous ont intéressées. Dans de grandes marmites remplies d’un liquide blanchâtre, du lait de soja, deux femmes échangent des seaux qu’elles versent et reversent dans les cuves. L’atmosphère est saturée d’humidité. A côté, d’autres femmes tassent une pâte non homogène et la façonnent en carré dans des tissus qu’elles pressent pour évacuer l’eau : les mouvements des mains sont d’une extrême dextérité.
Nous croisons sur notre chemin une vieille dame aux petits pieds bandés. Nous débouchons en pleine campagne cultivée, alors que la ville n’est qu’à deux pas. Nous traversons des quartiers pauvres aux allures de village où des petits chevaux ou des bœufs tractent sur des charrettes des bidons d’eau ; un potier travaille la terre au tour dans son atelier… La ruelle nous ramène porte sud, à la ville. Nous récupérons notre chauffeur et prenons l’autoroute vers Kunming. Pas d’arrêt à Tong Hai, grande ville sans intérêt particulier. Nous prenons notre repas dans un restau route un peu douteux. Arrêt dans un village mongol. Nous y accédons par les champs cultivés sur des chemins boueux, trop boueux pour nos sandalettes et nos pieds proprets. Les maisons traditionnelles sont en pisé ; dans la rue, les habitants fixent les feuilles de tabac sur des bambous avec un système de ficelle comme nous l’avons déjà vu faire. Plus loin sous des galeries d’une cour carrée, les femmes et les fillettes ôtent la nervure de chaque feuille de tabac et récupèrent la partie séchée. Il reste une soixantaine de kilomètres avant Kunming « la ville du printemps éternel ». Le ciel s’assombrit, puis l’orage éclate pour notre entrée dans la ville, des trombes d’eau ricochent sur la route et la voiture. Nous nous retrouvons bloqués un long moment dans un embouteillage où s’applique la loi de la jungle; c ’est le festival des klaxons, des capes plastiques et des parapluies colorés des cyclistes. La capitale du Yunnan à 1800m d’altitude compte 5 millions d’habitants.
A l’Hôtel du Golden Dragon le confort est total pour patienter jusqu’à la fin de la pluie. Notre deuxième tentative pour sortir est la bonne, avec même un peu de ciel bleu et de soleil Nous marchons sur Beijing Lu : dégustation et achat de thé pour dépenser nos (avant) derniers yuans. Nous cherchons les vieux quartiers signalés par Yuizhou et le Routard. Contrastes avec le reste de notre voyage : de grands magasins modernes aux marques de vêtements célèbres, des commerces grandioses et délirants pour mariage (style Marie-Antoinette) éclipsent quelques boutiques d’habits plus traditionnels Repas dans un quartier où ne manquent pas les restaus en plein air, avec d’excellentes aubergines à la tomate grillées et fondantes. Un gars prend sur son dos sa nana complètement bourrée qui ne tient plus debout. Nous rentrons à pied à l’hôtel. Les marchands de rues sur les trottoirs vendent encore de la nourriture, des vêtements, des ceintures ou des bijoux. Les magasins n’ont toujours pas baissé leur rideau et il est 22h. Le niveau de vie paraît nettement supérieur à d’autres lieux que nous avons traversés en Chine.

mardi 6 septembre 2011

Les princesses aussi vont au petit coin. Chabouté.

Décidément le style de première page des dernières BD que j’ai vu passer est bien peu incitatif.
Pourtant le contenu de celle-ci est excellent.
Tout ce que j’aime : une approche du temps et du silence raffinée et juste, un dessin efficace, des noirs et blancs rythmant agréablement les pages, une aventure qui percute le quotidien avec des plaisanteries qui se glissent dans les interstices d’un suspens bien mené.
« Monsieur et madame Tounette ont un fils ? 
- Patrice. » 
Je me permets : ce road movie sort des sentiers battus.
Grandiloquent et modeste, glauque et tendre, déconcertant et limpide où l’on apprend surtout pourquoi on raconte des histoires.

lundi 5 septembre 2011

Le chat du rabbin. Joann Sfar.

Le réalisateur très sollicité au cinéma (Gainsbourg), en BD, comme commissaire d’exposition (Brassens), a les faveurs de la mode.
Ce film d’animation, lui, porte la nostalgie d’une humanité qui vivait en Algérie en harmonie entre deux guerres mondiales et avant celle qui allait décoloniser le pays. Pourvu qu’on prête l’oreille, on y entendra la verte sagesse du chat qui veut faire sa bar mitzvah, porteuse de tolérance et de liberté, sans mièvrerie.
Avec de fraîches musiques, dans les belle lumières d’Alger qui recèlent tout de même sous les ombrages des cafés, quelques bas du front, les rondeurs de Zlabya sont charmantes, la bonhommie du rabbin est sympathique de même que celle de son homonyme Sfar, un sage musulman.
Le chat maigre a la voix de François Morel qui me ravit même lorsqu’il dit : « Miaou » ; impertinent, il traverse le film avec l’élégance ordinaire de ces bestiaux et nous offre des minutes ensoleillées qui se terminent trop brusquement

dimanche 4 septembre 2011

Poulet aux mirabelles

J’ai entendu cette recette sur les ondes d’une radio bleue bourguignonne et faute d’escalope de poulets je l’ai adaptée sur les suggestions d’une charmante vendeuse de la ferme Guillet Revol qui élève volailles et lapins au col de Clémencières. Il a fallu que j’aille au marché de l’Estacade pour apprendre qu’ils vendaient également à Saint Egrève le jeudi, comme c’est par mon lyonnais de fils que j’ai repéré le magasin Casabio installé depuis un an sur not’ zone industrielle. La variante consistait en la présence d’une collection de bréchets qui donnaient un air cuisses de grenouilles à la recette, mais une autre suggestion avec pintade devrait satisfaire ceux qui tiennent à des saveurs plus affirmées. Faire revenir la viande émincée dans l’huile d’olive avec un oignon, laisser dorer, verser du vin blanc dans la sauteuse, laisser cuire dix minutes et ajouter les mirabelles dénoyautées, du persil, une cuillerée de miel, cinq minutes encore, sel poivre : c’est fête ! Et quand le vin est bon on voit la différence.

samedi 3 septembre 2011

XXI, été 2011.

Juste avant la parution du numéro d’automne qui portera sur l’utopie, quelques lignes pour évoquer le numéro de cet été d’une revue désormais familière qui n’a pas épuisé son regard original.
Le dossier en trois reportages consacré à l’Algérie est éclairé par le témoignage de la plus française d’une famille de là bas vivant en France qui ne veut pas se faire naturaliser par solidarité avec ceux qui affrontent les humiliations lors des renouvellements des cartes de séjour.
Les portraits sont ceux d’un roi de l’amiante dévoilé malgré une discrétion organisée allant jusqu’à une reconversion (lucrative) dans l’air du temps et celui de Maurice Nadeau lecteur centenaire.
Le dessinateur Tronchet abandonne la loufoquerie pour un récit graphique à Quito tandis que le portfolio est consacré à des bergers du Caucase.
Madoff, Guantanamo : on sait, mais prendre le temps d’interviews fouillés vous revigore l’indignation et l’accablement, en particulier à travers l’histoire d’un gamin tchadien emprisonné hors de toute règle de droit, broyé par l’absurde.
Au fin fond de la misère, en Haïti, les retrouvailles avec d’anciens footballeurs qui ont offert à leur pays un bonheur qui retentit encore aujourd’hui, en menant 1-O contre l’Italie, lors de la coupe du monde 74:  pendant 6 minutes
bien avant le « goudougoudou » tremblant de 2010.

vendredi 2 septembre 2011

Morale à l'école


C’est bien sûr parce que la vertu est devenue une fleur surannée que chaque ministre annonce le retour de la morale à l’école. Le mot civisme a épuisé ses charmes de ressuscité d’un temps, alors l’ancien DRH de l’Oréal réécrit sur l’ardoise en ardoise :  
« morale » et le frenchy moral s’en sent tout ragaillardi. 
Que peut l’école face au cynisme, au conformisme, à la vulgarité, à la richesse insolente, au mensonge, qui tartinent notre pain quotidien ? 
Si l’indignation ne m’étouffait pas, je jouerais volontiers au jeu de la maxime du jour, mais la liste est trop longue des paroles malheureuses des éminents qui nous gouvernent. Car pour traiter par exemple de la générosité nous vient un air de Brassens : « L’Auvergnat » mais c’est alors l’humour d’Hortefeux qui vient brouiller la chanson. Et pour illustrer la politesse, un « casse-toi… » de celui « qui ose tout et c’est à ça qu’on le reconnaît » revient bruyamment. 
« Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux». 
L’allusion au passé par ceux qui saccagent chaque matin la morale publique ne ravira que quelques sourds qui ont quitté les bancs de la communale depuis longtemps, elle ne modifiera en rien les pratiques dans une école qui subit aujourd’hui des attaques sans précédent. 
« Un acte vaut cinq dires »Henri IV.

jeudi 1 septembre 2011

Arles : rencontres photographiques 2011.

Je ne sais plus du nombre d’expositions visitées dans la journée, ni du nom de bien des auteurs entrevus, et pourtant combien de photographies j’ai zappées.
Alors la mise en évidence de la profusion des images prises sur internet sur de grands panneaux peut nous parler, et la thématique développée autour de
« From here on» (« à partir de maintenant »)est bienvenue.
La photographie connaît la révolution qui avait touché la peinture avec l’explosion du numérique et d'internet, mise en évidence par des propositions vertigineuses en tous lieux et par tous les moyens:36 artistes questionnent la notion de propriété artistique avec virtuosité, poésie, inventivité, humour. Les caméras de surveillance sont sollicitées
et le mot clef « capture » nous éloignerait de cette chère liberté, allant parfois jusqu’à la vacuité.
Ces démarches expérimentales sollicitent plus la réflexion que l’émotion que l’on peut retrouver avec des photographes mexicains très présents dans la ville.
Ainsi les prostituées de la zone frontière « Welcome to lipstick » ou les travailleurs immigrés chez leur riche voisin déguisés en super héros.
La rétrospective du New York Times Magazine nous est plus familière ainsi que celle d’Amnesty international révisant 50 ans de violences dans le monde.Ces images là se sont tellement inscrites dans nos mémoires qu’un artiste qui effacé par exemple les tanks chinois du cliché mythique où un homme leur fait face avec ses deux sacs en plastique à la main, arrive à nous interpeler en ne laissant subsister que les marques au sol d’une route qui ne sera plus jamais innocente.
Chris Marker est un des rares grands noms que je connaissais avec Salgado, mais je n’ai rien trouvé de rare avec lui sinon le rapprochement qu’il peut effectuer entre des visages saisis dans le métro et des portraits appartenant à l’histoire de la peinture.
Une œuvre de 40 mètres du chinois Wang Qingson est parfaitement à sa place dans l’église des trinitaires en présentant un point de vue spectaculaire sur les représentations de la beauté à travers des scènes parodiant des tableaux et des sculptures du patrimoine mondial. J’apprécie souvent les travaux de l’agence « Tendance floue » mais leur accrochage est vraiment trop dans l’obscurité et la confusion, alors qu’ils veulent se montrer à contre courant, ils participent au propos redondant de la profusion quand « trop d’images tuent l’image ».