mardi 15 septembre 2015

Les beaux étés. Zidrou & Jordi Lafebre.

Je ne me souvenais pas que Zidrou avait participé à un album qui m’avait enthousiasmé
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/01/les-folies-bergere-porcel-zidrou.html , il est aussi l’inventeur de  l’élève Ducobu que je regarderai désormais d’un autre œil.
Ce premier volume annonce une série où la tendresse surpasse la nostalgie : nous sommes en 1973, année de « la maladie d’amour », la chanson.
«  Cap au Sud » titre cette livraison appétissante : dans la 4L, la famille avec quatre enfants part en Ardèche.
Chacun a sa personnalité respectée : la fille sage, l’audacieux, l’amateur de Bd, Pepette et de surcroit : Tchouki le personnage inventé.Quand l’imagination bien partagée par tous permet de lever tous les obstacles.
« - La vie c’est de grimper tout en haut d’un sapin. Il y a des aiguilles et les aiguilles ça pique ! On voudrait bien redescendre, mais c’est impossible. Alors on continue de grimper, mais plus on grimpe plus les branches sont petites et plus on a le vertige, parce qu’on a peur de tomber tu comprends… Mais il ne faut jamais s’arrêter ! Il faut grimper !Tu sais pourquoi ? « 
- N…Non. 
- Parce que la vue est tellement belle ! »
Clair comme de l’eau fraiche, vivant comme des frites au camion, osé comme un gros très gros bouquet ou quand papa lâche le volant et dit :
«- Je vais en profiter pour faire un petit somme, vous me réveillez à Marseille ?
- Arrête papa ! T’es pénible ! »
Délicieux.

lundi 14 septembre 2015

Les chansons que mes frères m’ont apprises. Chloë Zhao.

La réalisatrice chinoise  a vécu 4 ans dans une réserve indienne du Dakota du sud. Elle va s’inspirer d’une réalité âpre pour construire une fiction où le spectateur peut se désespérer de voir , d’après Sitting Bull, une septième génération devant libérer le peuple indien, mal partie pour assumer l’héritage dans les vapeurs hashischennes et les alcools en tout genre. Par une de ses grimaces de l’histoire, la réserve est sous le régime de la prohibition générant tant de trafics et ne favorisant nullement la sobriété. Les familles sont explosées. La prison est un lieu aussi  central que l’église, avec la même inefficacité. Les paysages ont beau être beaux, quel avenir ? Encore une fois la fille semble la plus solide. Ces indiens bien loin des clichés enfantins portent le chapeau de cow-boy, font du rodéo et jouent au football américain, roulent en pickup bien avant l’âge légal, c’est que les jeunes doivent assumer plus jeunes qu’eux. Les adultes absents ne peuvent guère assurer cette transmission que laisse entendre le titre. Passionnant, même si les figurines ont perdu leurs plumes.

dimanche 13 septembre 2015

Comme vider la mer avec une cuiller. Yannick Jaulin.

Le conteur de Pougne-Hérisson (Vendée) joue avec les accents sous un titre qui vient de Nietzsche :
« Comment avons-nous pu vider la mer?
 Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier? »
 Si Yannick Jaulin enchaine les citations d’emblée dans une salle encore éclairée, il reste lui-même.
Il n’a pas prononcé la phrase : « Au commencement était le verbe » mais celle-ci a résonné pour moi tout au long du spectacle. C’est la moindre des choses pour un diseur qui pose rien moins que la question du sens de nos vies, avec la phrase complète qui annonce
« le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Et ce besoin de croire.
Ce sera du lourd, traité avec un humour qui ne masque pas la profondeur.
D’une ambition folle et d’une proximité émouvante, il rebrasse les grands récits collectifs des trois religions du livre, nous donne des aperçus de son érudition et de sa fantaisie ; son histoire personnelle très présente rencontrant l’universel.
Il évoque aussi des contes et légendes contenus dans l’Histoire, transmis dans l’école de jadis, développe une réflexion foisonnante à partir  de « L’annonciation » de Fra Angelico qui est bien plus qu’une version amusante d’une PMA (procréation médicalement assistée), elle annonce la Renaissance.
Il reprend, parmi tant d’autres, cette fable attribuée à Péguy, dont je ne sais plus où je l’avais entendue et qui dit tant de choses sur la conscience professionnelle, notre place dans la société, du sens de nos vies.
«Il s’agit de trois casseurs des cailloux : 
 Au premier :
- Que faites-vous, Monsieur ?
- Vous voyez bien, lui répond l’homme, je casse des pierres. J’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Mais je n’ai trouvé que ce travail pénible et stupide.
Au second :
- Que faites-vous, Monsieur ?
- Je suis casseur de pierre. C’est un travail dur, vous savez, mais il me permet de nourrir ma femme et mes enfants. Et puis allons bon, je suis au grand air, il y a sans doute des situations pire que la mienne.
Au troisième :
- Que faites-vous ? 
- Moi, répond l’homme, je bâtis une cathédrale ! »
Tout est là.
Une comparse joue du violon, lui s’exprime en nous tournant le dos parfois, carrément dans le noir ou  bien apparaissant dans une belle lumière, il nous parle personnellement et nous fait rire, chante du Bob Marley.
Je reviendrai au théâtre pour des rencontres comme celle de ce soir là.

samedi 12 septembre 2015

La fin du village. Jean Pierre Le Goff.

Quand l’auteur de « La Barbarie douce » parle de Cadenet dans le Lubéron, c’est d’une nation dont il est question, en tous cas ses riches descriptions peuvent s’appliquer par exemple à l’évolution de mon village, Le Pin, dans le bas Dauphiné, telle que je l’ai perçue de mon enfance à ma vieillesse, bien que l’auteur eut relevé qu’il y aurait pas loin d’ici un terme imprononçable.
Comme il a fustigé le sabir éducation nationale mimant celui de l’entreprise, il se garde d’employer les mots savants de la sociologie, sans entamer la rigueur de son approche.
Depuis les vocables employés dans les documents du Parc du Lubéron, ceux de la crèche « Lou calinous », dans les mots de l’animateur jeunesse, ou ceux du directeur de la maison de retraite, la préciosité de la communication accuse la fracture entre les professionnels-de-la-profession et ceux qu’ils regardent de haut en abusant du terme « citoyens » qui s’est dilué dans tant de sauces.
Son essai de près de 600 pages se lit comme un roman.
L’étude chaleureuse débute au « Bar des boules », témoin des chambardements d’une communauté. Elle remonte l’histoire d’un pays de vanniers et de paysans et interroge la transmission des mémoires.
Le village qui a toujours voté communiste et entretient un solide anticléricalisme depuis les temps où les vaudois réfugiés et persécutés au XVI° siècle s’y sont installés, a connu l’arrivée des soixantehuitards, puis des citadins.
A travers une centaine d’entretiens avec des « cultureux », des enseignants, des pompiers, des chasseurs, des enfants de harkis, des touristes, des riches étrangers, des « déglingués », des prêtres dont celui qui « a fait le don de son foie à l’église », des anciens et des nouveaux, il retrace le basculement d’une civilisation.
«En un quart de siècle, Cadenet est entré tant bien que mal dans un nouveau monde où s’est effacée son ancienne identité. On peut y voir à juste titre un phénomène d’urbanisation et de modernisation qui a libéré les individus des contraintes pesant sur les anciennes communautés d’appartenance, la fin d’un monde clos et « du chauvinisme de clocher ». Pour autant, cette évolution s’est payée d’une dissolution du lien collectif entrainant l’individualisme vers les horizons d’une « postmodernité » problématique ».
Dans ce village devenu « bourg dans une zone périurbaine », les autochtones de plus en plus minoritaires sont nostalgiques. Ce sentiment est nourri de quelques images désormais factices  qui conviennent aux nouveaux arrivants pressés et aux touristes.

vendredi 11 septembre 2015

Le Postillon. Eté 2015. N° 31.

Je les trouvais excessifs, les rédacteurs libertaires très critiques vis-à-vis des technologies,  nouvelles idoles, divinisées particulièrement dans le bassin Grenoblois et puis finalement je reconnais leur utilité, dans leur méfiance récurrente, tant les unanimités sont stérilisantes.
Cela vaut autant pour l’inflation des communicants au pays des ingénieurs que la révérence parisienne envers la nouvelle municipalité à propos de laquelle une de ses supportrices porte ce jugement :
«  Notre diversité, nos pratiques voire notre « amateurisme »… ont été l’expression de notre slogan « Grenoble, une ville pour tous ». Ce processus d’invention s’est tout d’un coup figé en se confrontant à la gestion où la prudence confine souvent à l’immobilisme, quand ce n’est pas au conservatisme… Il faut le réanimer. Par exemple, en utilisant comme pendant la campagne nos différences, nos désaccords non comme des freins mais comme des moteurs. S’il y a des votes contre c’est très bien ; ça fait du débat public. »
Mais la contradiction n’est pas toujours bien vécue, et je connais pas mal de mes amis aux  gencives agacées par la contestataire feuille de choux trimestrielle crachotante.
Cet été tout y passe : retour sur la fête des tuiles, Safar et Destot ne sont pas oubliés alors que se confirme dans le viseur Amélie Girerd, bras droit cumulard de Vallini.
« La Chaufferie » et « Le Ciel »,  salles où se produisent des musiciens connaissent des problèmes de subventions mais leurs activités en baisse peuvent expliquer des mesures d'économie.
Une interview de maître Ronald Gallo avocat vedette du barreau grenoblois va au-delà de la connaissance d’une forte personnalité en apportant un regard pertinent concernant les problèmes généraux de la délinquance.
 Et le compte rendu de quelques audiences au palais de justice est toujours intéressant.
Le reportage en vélo du côté du tunnel du Chambon où la route est coupée, agrémenté de citations de Stendhal est vivant, assaisonné de réflexions concernant le développement, la notion d’activité sportive et l’intérêt du génépi pour la connaissance des habitants de nos montagnes.
Une seule photo spectaculaire pour trop de dessins à l’arrache, avec des textes difficilement lisibles, aux traits barbouillés, à l’inspiration poussive, sauront-ils se renouveler en octobre ?
Genépi.
..........
J'ai essayé de copier la remarquable Bande dessinée de Zep parue sur son site mais l'image est trop petite: allez sur son blog ci-contre: "What a wonderful world"

jeudi 10 septembre 2015

Musée de l’imprimerie.

50 ans après sa création, le musée situé rue de la Poulaillerie à Lyon, ajoute à son intitulé :
« et de la communication graphique » pour dire qu’il ne s’agit pas seulement de circuler parmi des  caractères de plomb, des plaques de cuivre, des pierres à lithographies, mais d’envisager aussi les bouleversements récents.
Pourtant la minutie, la finesse, la patience, ici exposées ont bien des attraits. A l’écart de la rue de la République,  toute proche, nous sommes en cet hôtel de la Couronne, hors du temps  et de sa sauvagerie, de ses régressions, parmi les outils qui firent progresser l’humanisme.
Un jeune garçon qui  accompagnait ses parents en ce début juillet caniculaire aurait préféré la piscine et pourtant il aurait pu se distraire avec quelques phrases savoureuses de Rabelais à picorer dans un livre énorme, forcément.
Tiens, à propos de la dénomination « enfant » : alors que notre société s‘infantilise de plus en plus, je suis frappé par les commentateurs qui parlent de pré adolescents, voire d’ados pour des mômes de 11ans.
Toujours est-il que sont prévus pour les scolaires de riches parcours, tels que « Liberté d’impression, liberté d’expression », une « Histoire de canards » ou « Pourquoi a-t-on inventé l’italique, les guillemets et @ ? » Il y a également des cours de calligraphie, de reliures, de fabrication de papier, des conférences : «  L’art en prétexte. Naissance de l’édition moderne au tournant des XIX°- XX° siècles. »
L’exposition temporaire «  le jardin des imprimeurs » mettait joliment en scène des bois gravés, des gravures délicates, des étiquettes charmantes, pour souligner le rôle éminent de la ville de Lyon dans le domaine horticole au XIX° siècle ; il est vrai que dès le XV°, les livres de botanique utiles aux médecins, aux herboristes, aux agronomes fleurissaient déjà.
Parmi tant de livres, j’ai précisé mes synonymes : ce qui désigne un volume vient de volumen (rouleau de papyrus) alors que le codex  est en parchemin, en peau.
Nous étions dans le thème après un passage chez la pétulante roussette, Sylvie dont le café comptoir " Chez Sylvie" de la rue Tupin, labélisé « Bouchon »  vaut le détour : bonne cuisine traditionnelle, mais pas que : le tartare de saumon était délicieux et le service dynamique, le pot de Côte du Rhône avait bon fond.

mercredi 9 septembre 2015

Mona Hatoum. Centre Pompidou.

Actuellement sont présentés à Beaubourg de froids « tableaux-reliefs » de Gottfried Honegger et des photographies de mannequins de Valérie Belin dont on se demande classiquement : elles sont en vrai ou en cire? Rien de neuf.
Par contre les cents œuvres de Mona Atoum valent par leur diversité, leur intensité, d’être partagées jusqu’au 28 septembre.
Installations, sculptures, photos, dessins, vidéos, ont demandé pour beaucoup des collaborations tant la réalisation était parfois minutieuse et acrobatique.
Une exposition qui redonne de la crédibilité et de l’attrait à l’art contemporain qui souvent s’étourdit de mots et d’artificialité.
La sexagénaire traverse toutes les écoles :
arte povera : présence de cheveux dans de nombreuses réalisations,
minimalisme : un  bras rotatif creuse le sable et efface sa trace
art cinétique : un cube constitué de fils barbelés,
agrandissements de ready made : râpe à fromage comme paravent,
surréalisme : un berceau dont le fond est tendu de fils coupants...
Ce classement peut être dérangé et d’autres exemples proposés : des mappemondes de toutes sortes sur tous supports, des grenades en verre de Murano, dessin sur savon des territoires qui devaient être restitués par Israël…
Les ustensiles de cuisine deviennent étranges.
Le monde parait si fragile, composé de billes posées sur le parquet.
La puissance des performances n’est pas simulée et l’authenticité de l’artiste anglaise d’origine palestinienne née à Beyrouth, traverse toute ses œuvres, qu’elles soient dramatiques, déchirantes, humoristiques ou simplement belles.