mercredi 14 mars 2018

Annecy. Festival international du film d’animation 2017.

Juste un petit tour dans la belle ville: 9000 accrédités quand même, parmi un public jeune et enthousiaste. Ambiance potache avec avions en papier qui volent avant que les écrans s'allument.
Pour se mettre en appétit rien de tel qu'une série de courts métrages aux univers très variés : 
Allemand : les souvenirs de guerre d’un irakien : traits blancs élégants sur fond noir. 
Canadien : images mécaniques pour évoquer Victor Tesla ingénieur en électricité : daté.
Français : souvenirs poétiques de pépé « le morse », brouillés par la grossièreté des dialogues.
Autrichien : les carmina burana en flash mob : vain.
Danemark : Adam : les robots m’ennuient.
Anglais : souvenirs de famille au graphisme original.
Danois et français : dans le froid, l’attente : superbe, étrange.
Polonais : Sprawa Moczarskiego : hommage à l’auteur d’ « entretiens avec le bourreau ».
Slovène et Croate : ambiance nocturne et alcoolisée.
La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman.
La performance technique du premier long métrage avec 65 000 images à la peinture à l’huile par 115 peintres est tellement éblouissante que l’on ne prête guère d’intérêt à la remise en cause de la thèse du suicide de l’artiste. 

mardi 13 mars 2018

La revue dessinée. Printemps 2018.

Ces 228 pages saisonnières revenant sur les affaires qui apparurent un moment à la une de l’actualité sont un excellent remède contre « l’infobésité » qui nous guette avec ses sucres rapides.
Thèmes privilégiés : le travail et le contenu de nos assiettes… le Moyen Orient.
- Que sont devenus ceux qui se sont fait arracher la chemise par des salariés d’Air France ?
L’un d’eux s’appelait Plissonnier, fils d’un ancien dirigeant du PC.
- Comment les communes se débrouillent pour attirer des médecins généralistes ?
- Dans notre flexible univers, un petit tour dans un « open space » : pas forcément cool.
- Visite dans un gigantesque abattoir breton avec un reporter en immersion, où il n’est pas question que de souffrance animale mais aussi des employés soumis à des cadences inhumaines.
- Précisions et nuances sur le bio.
- D’où vient Erdogan ?
Il avait émergé en politique en faisant de l’adhésion de la Turquie à l’Europe un objectif majeur.
- A travers un trajet en taxi collectif le long de l’ancienne ligne de démarcation à Beyrouth, des nouvelles du Liban.
Dans les rubriques habituelles :
-        La biographie d’un chimiste allemand : engrais et armes chimiques, Fritz Haber.
-        En musique : la poétesse Brigitte Fontaine, elle s’était produit en première partie de Brassens.
-        En vocabulaire : expat’, migrant ou réfugié ?
-        En sport : le hula hoop.
-        En cinéma : « La forteresse cachée » de Kurozawa.
-        En photo : les combattants de Maïdan.


lundi 12 mars 2018

La caméra de Claire. Hong Sang Soo.

Ce film vu au festival de Cannes sort en salles alors que d’autres plus originaux, plus émouvants, ne seront pas distribués.  
Une vendeuse de film est licenciée pour une cause qu’elle ne comprend pas tout de suite. 
Elle a couché avec le réalisateur dont elle est la compagne dans la vraie vie.
Elle rencontre Isabelle Huppert, espèce de fée clochette au sourire permanent, dans les ruelles de Cannes, mais peu nous chaut.
L'omniprésente actrice française prend beaucoup de photographies avec son polaroid, elle prétend que la photographie modifie celui qui est photographié ; ce presque rien rohmérien, n’a rien fait bouger chez moi.
Ce film entre amis, est tellement léger qu’il s’oublie, à peine sommes-nous revenus dans la rue à Cannes la Bocca où il fait bien chaud.

dimanche 11 mars 2018

Artefact. Joris Mathieu.

Les spectateurs, casque sur les oreilles, divisés en trois groupes sont invités à s’asseoir à tour de rôle face à des prismes vitrés dans lesquels oeuvrent deux imprimantes en relief pendant que se projettent des images et des dialogues avec des ordinateurs programmés en« agent conversationnel », lors de « chatbot ».
Le dernier pôle où nous devons nous diriger se situe devant un bras articulé qui pose différentes pièces sur une table dont les silhouettes ont été rencontrées sur les deux stands précédents : chien qui hurle à la lune, un arbre, homme et femme figurants d’un monologue shakespearien. Le bras robotique secoue un Tupperware rempli de sucre mimant de la neige après avoir été programmé à hésiter et à agir lentement pour accentuer une allure plus proche de l’humain.
« Que devient le blanc quand la neige a fondu ? »
L’esthétique rétro futuriste fait penser aux années soixante qui portaient alors des rêves optimistes. La musique accentue une atmosphère mystérieuse.
Ces dispositifs inhabituels se closent par une discussion avec le metteur en scène et c’est alors que le public revenu dans ses gradins habituels applaudit. Il faut dire que la voix séraphique qui nous avait accompagnés pendant 50 minutes nous avait, gentiment, malmenés, ne serait ce qu’en nous laissant décider de nous lever. Cette conclusion, où les humains se retrouvent avait une saveur différente des discussions habituelles à l’issue d’un spectacle, elle m’a semblé partie intégrante d’une interrogation sur notre place face aux machines et notre disparition, la place du théâtre. Le mot « robot »  est apparu pour la première fois dans une pièce de science fiction tchèque. L’« artefact » est un objet fabriqué par l’homme, pas naturel. Tout se redéfini.
D’avoir navigué sur un plateau de théâtre de la MC2 sous les voyants rouges clignotants et les lumières bleues chirurgicales, frôlé les cornières d’aluminium et les rotules de fonte, dans l’intimité d’un casque qui arrivera bientôt pour notre confort dans des salles de spectacles où nous réglerons le son à notre guise comme déjà des guides en usent dans les musées, j’ai retrouvé avec plaisir mes frères humains bavards, contents d’eux, si pathétiquement imparfaits et découvert la compagnie  «Haut et court » novatrice et stimulante.

samedi 10 mars 2018

Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen.

Avec les ingrédients habituels chez Arto Paasalinna : personnages typés, nature, loufoquerie, voyage… nous est servie une histoire agréable où des questionnements sur le sens de la vie ne se prennent pas au sérieux.
« Dans l’allégresse générale, on présenta l’offrande au pasteur Huuskonen. Celui-ci n’avait aucune idée de se que contenait le panier, mais quand il eut défait les rubans de soie, le mystère fut levé. De la petite fenêtre surgit un bout de truffe humide. La pastoresse gémit : « Par les cornes de Belzéb… » 
Ainsi sera nommé « Belzèb » l’ourson qui vient d’être offert au pasteur dès le début d’aventures au parfum d’enfance qui n’interdisent aucune interprétation mythologique voire spirituelle.
En guise de résumé au trois quart du livre qui comporte 307 pages :
« L’opératrice radio songea qu’elle s’était vraiment trouvé un drôle d’amant, un homme comme on en fait peu : un prêtre finlandais défroqué, arrivé dans l’île avec un ours qui dansait et faisait des signes de croix dans la boîte de nuit d’un paquebot- et voilà qu’en plus il avait trouvé moyen de s’installer chez elle et tentait de prendre contact avec des extraterrestres. »
En toute candeur, douce excentricité, la bestialité s’apprivoise.

vendredi 9 mars 2018

Le Postillon. Février- mars 2018.

Le 20 pages bimestriel de la région grenobloise consacre sa une au « Management bienveillant : attention les yeux» sous une iconographie genre Newsweek des années 50 redondante puisque les yeux du môme en couverture sont découpés. Plus heureux est un détournement d’un personnage du romantique Friedrich qui contemple la mer de nuages au dessus de notre ville « apaisée ».
Les persistants adversaires de la novlangue développent en pages centrales leurs griefs contre « le management bienveillant, école de l’hypocrisie » : « C’est ceux qui en parlent le plus qui en font le moins. »
D’autant plus que Loïc Roche le directeur de l’école de management de Grenoble (GEM) est le promoteur du concept et que sa candidature à la mairie en 2020 aurait été suggérée par Jérôme Safar, tête de turc historique du journal.
Un qui devait s’attendre à une place de choix sur l’estrapade, c’est bien Olivier Veran, député de REM sans doute trop en vue, qui ne peut être que de mauvaise foi d’après le libertaire folliculaire anonyme lorsque ses interventions ne sont pas attaquables sur le fond.
Les pages consacrées à l’hôpital désormais CHUGA (CHU-Grenoble Alpes) sont cependant bienvenues.
Le débusquage du double langage est certes indispensable à condition de ne pas en user soi même en faisant la fine bouche devant les méthodes de ceux qui ont mis le feu à la Casemate car jugées inefficaces tout en étayant dans un long article tous les griefs qui peuvent être adressés au centre culturel et scientifique.
Incendier un lieu public est inadmissible et ironiser autour d’un hommage à Johnny « allumez le feu » malvenu.
Il y a quelques contradictions à regretter les constructions à Echirolles et en même temps le mitage des campagnes par les lotissements et des interrogations à nourrir après les compliments de Denis Bonzy ancien directeur de cabinet de Carignon : 
« Un mélange d’impertinence, de contre culture, de provocations, de qualité de faits trouvables nulle part ailleurs… »
L’approbation de cet avis par le supporter de Macron que je suis va accroître leur mauvaise conscience.
Quand ils redonnent la parole à Marion Messina auteur d’un alléchant roman « Faux départ », dont les propos avaient été repris jadis par des blogs identitaires, ils sortent de leur périmètre de confort qui nous lasse lorsqu’il est à nouveau question de caca sur une page entière alors que l’historique du traitement des « boues et des os » au XIX° siècle est instructif.
De même que la dénonciation d’une maxi arnaque concernant une micro centrale électrique dans le Grésivaudan a pu aller à l’encontre de leurs convictions aux roots deap écologiques.
Pas de reportage insolite cette fois, mais une discussion intéressante avec Aurélien Delsaux auteur de « Sangliers » qui se situe dans la Bièvre, territoire périphérique exotique pour les habitués de la Place Saint Bruno.
…………….
L’illustration de tête est scannée depuis ce numéro du Postillon et le dessin ci-dessous est du « Canard enchaîné » de la semaine.

jeudi 8 mars 2018

Hans Hartung. Thomas Schlesser.

Sous l’autoportrait réalisé à 18 ans par un des acteurs majeurs de la peinture abstraite, le conférencier, directeur de la fondation Hartung-Bergman cite devant les amis du musée de Grenoble, un extrait d’ « Autoportrait », le livre:
« Mes dessins étaient traversés de traits entortillés, étranges, embourbés, désespérés comme des griffures […] C’était une peinture véhémente, révoltée. Comme moi-même. J’avais le sentiment d’avoir été floué. À part quelques Français qui avaient été mobilisés, les autres peintres avaient tous passé la guerre réfugiés quelque part. Ils n’avaient cessé de travailler, de progresser. » 
Engagé dans la légion étrangère Hartung a perdu une jambe.
Malgré ce sentiment de défaite intérieure, il intégrera l’histoire de l’art dans la deuxième partie de sa vie. Aujourd’hui, sa notoriété a été dépassée par celle de son élève Soulages, mais un processus de redécouverte serait à l’œuvre.
Hans Hartung et son télescope. Né en 1904 à Leipzig, la ville du romantique Friedrich, dans une famille de la bourgeoisie protestante, ses aspirations sont diversifiées : sportif, il hésite à devenir pasteur. Très marqué par les techniques de l’optique, il fabrique son propre télescope et aussi un appareil photographique. Comme Andy Warhol avec son polaroid, il enregistre la réalité en permanence jusqu’à devenir compulsif  pour confirmer ses intuitions de peintre et non pour développer une œuvre sur un autre support. 
T 1936-2, son œuvre est minutieusement répertoriée, mentionnant l’année et l’ordre chronologique.
Sa singularité visionnaire émerge dès 1920 : son langage est gestuel, pas symbolique comme chez Kandinsky où le triangle est jaune, le carré rouge. La pulsion de ses traits ne prétend pas à une authenticité comme chez les surréalistes. Il va chercher une voie plus sèche, abrupte, plus « pure », sans séduction visuelle. L’option n’est pas celle d’un Mondrian qui par le biais de la géométrie tend vers une perfection formelle pouvant rejoindre les arts décoratifs.
Il est difficilement assimilable à d’autres artistes à part peut être Miro qu’il fréquenta. Il hésite à un moment, séduit par les expressionnistes ou Picasso, mais il choisit de poursuivre ses traces éparses, ses enregistrements du hasard, ses graphies improbables qui s’enchevêtrent.
Il fuit Berlin et après un passage à Paris, s’installe aux Baléares avec sa jeune épouse Anna-Eva Bergman. Revenu à Paris, en 39, l’Allemand est parqué dans le stade de Colombes. 3 mois après il s’engage dans la légion étrangère. Démobilisé après l’armistice, il revient d’Afrique du Nord, en zone libre dans le Lot, accueilli par le sculpteur Julio González dont il a épousé la fille Roberta. Après l’occupation du sud de la France, il traverse les Pyrénées où il est emprisonné dans les geôles franquistes. Après sept mois de captivité, il revient comme brancardier dans la légion étrangère ; gravement blessé, il devra être amputé d’une jambe. Il s’inquiète alors surtout de ses dessins perdus.
Ayant usé de différentes identités : Jean Gauthier puis Pierre Berton pour la légion, voire Jean Hartung, il obtient la nationalité française, et reprend le fil de son travail avec la même « spontanéité calculée ».
Dans un premier temps il se laisse aller à des gestes intuitifs puis agrandit ses traces « au carreau », très rigoureusement.
Parfois dans les fiches méthodiques de ses œuvres, il donne des surnoms, ainsi « La prison » dont je n’ai pu retrouver les noirs barreaux saturant la toile, matérialise un destin individuel pénétré par l’histoire. En 1952, reconnu comme «  chef de file de l’art informel » et «  précurseur de l’action painting », décoré, il expose beaucoup et retrouve Anna-Eva Bergman  avec laquelle il se remarie.
Il multiplie les  procédés avec le grattage, les outils : sulfateuse et pistolet à peinture. Il renouvelle ses moyens d’expression mais reste cohérent. Il s’en tiendra contre vents et marées à la force du geste depuis des taches, des formes simples et dérisoires. Faisant accéder l’anecdotique au monumental, l’individuel à l’universel.
Il meurt, l’année de la chute du « mur », deux ans après la femme de sa vie.
Sa maison d’Antibes est devenue la fondation Hartung-Bergman, accessible sur rendez-vous
 « Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! ».  
Baudelaire, dont on ne se lasse pas.